Les passerelles interrompues

Pat’ et Lucie n’auraient pas le temps d’attendre le dieu d’après. Il n’y aurait plus de passerelles pour fuir, toutes les routes seraient coupées. Alors ils devaient laisser derrière eux, sans se retourner, la drôlerie de Joe l’Embrouille, le regard énigmatique du chat aperçu derrière la fenêtre poussiéreuse d’une ferme des Choseaux comme le graffiti gravé dans la chair d’un arbre sur le chemin menant à un prieuré qui n’avait plus de sacré que son ombre sur leurs ombres.

Restait sur la plate-forme fragile qui balançait, suspendues sur le vide qui voulait les happer, les âmes qu’ils ne cessaient d’aimer, celles à qui ils devaient tant et qui leur avaient demandé si peu et dont ils soutiendraient en tremblant les derniers fils de ce qui fut des vies humaines ou félines, jusqu’au moment où à leur tour, à bout de force, ils devraient les abandonner. Ces passerelles flottaient sur des abîmes qui n’étaient plus que des pensées, les derniers vestiges de leurs souvenirs. Elles étaient LE SOUVENIR.