Interview écrite

27 février 2013
Posté par
Flora

Rencontre avec Véronique Hilda-Heim, auteur de  » L’Empreinte des regardeurs « 

Véronique_Heim_EdilivreVéronique Hilda-Heim, comment aborde-t-on votre ouvrage L’Empreinte des regardeurs ?
On aborde mon livre comme une discussion intime, les questions sont là, posées comme des chuchotements qui, je l’espère, vont pousser le lecteur à s’interroger sur son influence « inévitable » dans la violence faite aux femmes et aux enfants …Car il s’agit bien de la complicité involontaire des personnes qui entourent les enfants et les femmes victimes mais également de l’influence réparatrice que peut apporter « le regardeur bienveillant » lorsqu’’il accepte de voir et d’agir.

Pourquoi avez-vous choisi de composer un ouvrage psychologique ?
J’ai choisi une approche psychologique parce que je pouvais, de cette manière, interroger le lecteur sur lui-même et, peut être aussi sur son environnement, tout en lui offrant des outils comme les statistiques, les pourcentages et les chiffres globaux officiels entourant la cause de la violence faite aux femmes et aux enfants. Le témoignage « réel » qui illustre bien ce que globalement chaque victime aura à traverser pour se reconstruire au milieu de regards multiples (amicaux mais aussi péjoratifs) se prête parfaitement au ton psychologique de mon livre.

A quel genre pourrait-on rattacher L’Empreinte des regardeurs : fiction, biographie ?
On pourrait rattacher mon ouvrage plutôt à une biographie qu’à une fiction. Il s’agit, en effet, d’un témoignage réel même si pour des raisons de respect et d’anonymat (demandé) j’ai du utiliser des pseudonymes afin de préserver les personnes concernées.

Quel est l’impact de votre métier d’art-thérapeute sur votre œuvre ?
Ha ! L’impact de mon métier d’art-thérapeute est, je crois, omniprésent dans mon œuvre et cela pour plusieurs raisons. En premier lieu, parce que je suis une ancienne victime et donc dans mon cas, l’art, la création ont longtemps été mes seuls moyens d’expression puisque j’avais, comme toutes les victimes, été conditionnée « à me taire ». J’ai eu la chance de rencontrer un thérapeute bienveillant qui m’a encouragé à « parler » graphiquement au travers de mes œuvres puis à parler tout court et tout en douceur…Très honnêtement, c’est cela qui m’a permis de me reconstruire …Je n’étais à ce moment là qu’une élève en art- thérapie mais cette expérience m’a définitivement convaincue des bienfaits que cela pouvait apporter aux victimes. Depuis que j’ai passé mon diplôme, je ne cesse de me perfectionner. Ce métier est une véritable vocation et je l’exerce avec toujours plus d’intérêt, ce qui explique que bien évidemment mes livres en soient imprégnés.

Cet ouvrage est-il inspiré de l’une de vos expériences associatives ?
Oui ! bien évidemment, d’ailleurs j’y fais explicitement référence dans certains passages ; comme dans celui ou j’évoque cette balade en forêt.
Ce jour-là, les enfants que j’accompagne sont énervés et survoltés, pour les apaiser je leur propose de jouer à  » j’aime  » puis  » je n’aime pas  » ; Le ton se veut léger, chacun se prête au jeu…Puis, soudain, l’une des petites (la plus jeune) murmure « moi je n’aime pas être toute nue devant les messieurs qu’invite mon papa ». Là, évidemment, on prend une claque, c’est un souvenir encore très présent à ma mémoire puisqu’il s’agissait alors de mon premier poste en tant qu’art –thérapeute. Partager des moments tel que celui-ci avec mes lecteurs est, je crois, la meilleure manière de communiquer sur l’ampleur des traumatismes que subissent un certain nombre (2 millions officiellement) d’enfants dans notre pays.

Pourquoi avez-vous choisi de nous parler des violences conjugales ?
J’aborde le thème de la violence conjugale car elle est souvent en lien direct avec les traumatismes d’enfance non résolus.75% des victimes de violence conjugale ont d’abord subi des violences plus ou moins graves durant leur enfance…Ces traumatismes d’enfance, la majorité du temps, n’ont pas été résolus. J’entends par là, que la victime n’a pas été entendue avec bienveillance et, très souvent, elle n’a bénéficié d’aucun soutien thérapeutique. De ce fait, elle avance dans sa vie en claudicant comme elle peut avec « sa mésestime de soi et ses troubles post-traumatiques bien enfouis ». Sur ce, arrive le pervers narcissique qui « lui » sent, guette et finit par séduire la personne déjà fragilisée. Mettre en lien direct la cause de l’enfance violentée avec la violence conjugale m’a semblé évident puisque je l’espère cela peut permettre à bien des « regardeurs » de voir autrement la femme battue ou humiliée…Peut être que quelques uns et unes changeront d’attitude.
Si, à la place, du  » mais elle le veut bien puisqu’elle reste « , ces mêmes regardeurs se disent que la femme est en danger sans s’en rendre compte, qu’on lui a déjà fait trop de mal et qu’il faut lui tendre la main, c’est déjà un grand pas. Voilà, c’est naïf, diront certains, mais si ce livre encourage à aider au lieu de juger, alors j’aurai atteint mon objectif.

A travers ce titre de L’Empreinte des regardeurs, cherchez-vous à souligner l’importance de ceux qui vivent dans l’entourage de victimes de violences conjugales ?
A travers ce titre «  L’empreinte des regardeurs » j’ai voulu faire plus que souligner l’importance de ceux qui sont témoins de victimes de violence et pas seulement conjugale, puisque le livre montre les répercutions à long terme voir sur toute une vie que peuvent avoir les regards témoins dans le bon sens lorsque ces regards sont actifs et aidant mais aussi lorsque ces regards (et malheureusement ils sont plus nombreux) sont lâche(le fameux cela ne nous regarde pas) voir complice lorsqu’ils ne peuvent faire autrement que voir et entendre mais choisissent de se taire et ne pas porter secours …Dans l’inconscient collectif depuis longtemps il est acquît que le « méchant » c’est celui qui frappe » qui «  humilie » qui « insulte » et « malmène » son enfant et sa femme…
Ce que je dis moi, c’est que effectivement le bourreau qui violente est le coupable mais qu’il n’est pas seul, les regards qui entourent le bourreau et la victime ont aussi leur part de responsabilité ,j’en veux comme illustration de mon propos que si ces « bourreaux » ne bénéficiaient pas du « silence »opportun des regardeurs les violences ne perduraient pas dans le temps ,puisqu’ils seraient mis hors d’état de nuire (de par leur arrestation puis jugement)…Les victimes qui auraient ainsi étaient entendu et secouru pourraient se reconstruire avec plus de facilité car elles ne seraient enfin plus seule dans l’arène.

Un dernier mot pour vos lecteurs ?
Ce sera le mot d’au revoir avec lequel j’accompagne chaque personne qui vient me consulter : « N’oubliez pas de prendre soin de la belle personne que vous êtes ».