Interview écrite

25 février 2013
Posté par
Flora

Rencontre avec Bernard Graux, auteur de  » Mortido « 

Bernard_Graux_EdilivrePourriez-vous nous présenter, en quelques mots, votre ouvrage Mortido ?
Mon roman se définit comme un ‘thriller’ psychologique. Il se lit rapidement car il s’agit d’une histoire qui va droit à l’essentiel, cherchant à s’appuyer sur les ressorts principaux qui déterminent le comportement de tous les personnages. La mortido est à la libido ce que le yin est au yang. Les deux principes complémentaires de la tradition chinoise sont bien connus. Antoine de Montségur, le psychothérapeute de l’histoire, un verre de porto à la main, se fait un plaisir de nous éclairer à ce sujet. L’expression de la mortido dépend de la personnalité de chacun. Lola, Joseph, Lubomir, William, Antoine, l’expriment chacun en réponse à leurs propres particularités. Dans le cas de Lola et de Joseph, c’est assez clair. Dans celui de William, qui veut tuer fictivement son père en devenant riche rapidement, ou dans celui de Lubomir, prêt à tout pour se grandir, les choses sont plus subtiles. Et les morts se suivent sans se ressembler.

Pourquoi avez-vous choisi la forme romanesque ?
Les moteurs fondamentaux du comportement humain, issus de notre longue évolution depuis notre sortie de l’océan, n’ont pas vraiment changé mais semblent souvent obscurs. Mais la complexité du cerveau humain et les nombreuses combinaisons possibles des relations humaines dissimulent nos motifs essentiels. L’instinct de survie est l’un de ces moteurs. Un autre est le besoin d’affection et de reconnaissance. A cet égard, nous sommes programmés, dès la naissance, par notre relation avec notre mère, celle qui nous ouvre la porte du monde. Si elle nous donne l’affection à laquelle nous aspirons, en nous caressant, en nous parlant, bref, en nous aimant de toutes les manières possibles, nous pouvons acquérir un profond sentiment de sécurité dans ce monde. Et ce sentiment ne nous lâchera plus. Dans le cas contraire nous vivrons une insécurité existentielle qui risque de nous conduire au désastre. Joseph illustre bien ce point de vue et ce n’est pas son psychanalyste, Antoine de Montségur, qui me contredira. Voila l’arrière plan du livre. Les personnages, noirs ou gris, qui s’y croisent, illustrent ce point de vue et le mettent en lumière mieux que des discours théoriques. C’est pourquoi la forme romanesque s’est imposée à moi.

Votre ouvrage s’impose-t-il comme une critique de la société actuelle ?
Non, je ne critique rien, j’estime que les principaux ressorts humains sont sensiblement les mêmes dans toutes les sociétés et à toutes les époques. Cela dit, les comportements humains ne sont pas dictés par la raison et le libre arbitre comme on le pense généralement. Nous en avons l’illusion parce que nous rationalisons ces comportements après coup, ce qui nous donne l’illusion du libre arbitre sans lequel il nous semblerait impensable de vivre. Lola est une meurtrière et pourtant j’en suis tombé amoureux. Pourquoi ? Après ce que je viens de vous dire, je n’essayerai pas de vous l’expliquer, c’est à dire de rationaliser mon attirance pour elle. On peut se demander si Lola aurait pu agir autrement, laisser les choses en l’état, oublier. Je ne pense pas qu’elle avait le choix.

Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Mes sources d’inspiration sont les gens que je côtoie, ainsi que mes recherches, depuis mon adolescence, dans tout ce qui touche à la psychologie, la psychanalyse et la psychiatrie, pour tenter de comprendre la tragi-comédie humaine. Sans oublier les plongées dans l’obscurité de mon propre esprit.

Pensez-vous à composer d’autres types d’écrits comme le théâtre et la poésie ?
Non, je n’y pense pas, mais la vie en décidera peut-être autrement.

Peut-on dire que votre ouvrage se situe entre réalité et fiction ?
Je vous avoue que je ne sais pas ce qu’est la réalité, sinon une fabrication permanente, un processus complexe dont je suis un des acteurs. En ce sens, ma réalité est ma fiction personnelle. Mais si vous vouliez savoir si je m’étais inspiré de faits lus ou vécus, la réponse est non. Je suis parti de l’idée d’un des personnages, Joseph. Comment devient-on un « Joseph » ? On voit que Joseph a de bonne raisons de détester le monde entier. On peut le comprendre mais il est quasi impossible de l’aimer. Lola, au départ, ne devait être qu’un des personnages secondaires, mais elle est devenue le personnage principal. Sa haine, à elle, n’est pas universelle mais est dirigée vers une personne en particulier et la conduira, presque inexorablement, à sacrifier quelques pions au passage. Ce qu’on désigne de nos jours par «’dégâts collatéraux’. Il est possible, malgré tout, de l’aimer. Et c’est mon cas.

Un dernier mot pour vos lecteurs ?
Oui, j’aimerais beaucoup que mes lecteurs me disent ce qu’ils pensent de Lola. Je suis sûr que leurs avis seront intéressants et divergents. Leurs points de vue sur tous les autres personnages sont aussi les bienvenus, naturellement. Je souhaite surtout à mes lecteurs de bien s’amuser au contact de ces personnages qui mènent leur barque avec les moyens du bord.