Interview écrite

Rencontre avec Shirley Almosni Chiche, auteur de « Les Joies du Recruteur »
2 mai 2018
Posté par
Éditions Edilivre

Rencontre avec Shirley Almosni Chiche, auteur de « Les Joies du Recruteur »

Présentez-nous votre ouvrage

Mon ouvrage raconte les coulisses du monde du recrutement et plus précisément du recrutement informatique par le prisme de mon expérience. Cela fait maintenant presque 10 ans que j’évolue dans ce secteur. J’ai connu les cabinets de recrutement mais aussi les clients finaux ce qui m’a permis de donner une vision relativement complète et réelle de ce que nous pouvons y vivre de l’intérieur.

Pourquoi avoir écrit ce livre ?

Il est difficile de répondre à cette question en sachant que mon livre se conclut par “je me demande pourquoi j’ai écrit ce livre”. Je vais cependant trouver quelques éléments de réponse. Il est clair que j’étais dans une période où j’avais du temps mais j’avais surtout des choses à dire. Certains chapitres datent d’il y a plus de deux ans. En reprenant l’écriture du livre, je craignais que mes propos ne soient plus d’actualité. Puis, finalement, rien n’avait vraiment changé. Je me suis donc dit qu’il fallait conclure, et comme dirait notre ami Jean-Claude Dus : ”oublie que t’as aucune chance, vas-y fonce ! On sait jamais, sur un malentendu ça peut marcher.“ Pour revenir sur la question du pourquoi, il y a plusieurs choses : j’avais envie de montrer les coulisses du recrutement que beaucoup de personnes ignorent, aussi bien les candidats mais toutes ces personnes qui souhaitent se lancer dans le recrutement et plus précisément dans le recrutement informatique. Il y a toujours de nobles intentions de faire ce métier. J’en avais aussi et j’en ai toujours mais j’aurais aimé être prévenue sur de nombreuses choses : les faibles salaires, le manque de considération donnée à ce métier, sa difficile compatibilité avec une vie de famille, la culture business très forte, la déshumanisation parfois, le sexisme ordinaire… Bien heureusement, les mentalités changent. Cependant, cette réalité est encore bien présente dans les entreprises. Par ailleurs, beaucoup de candidats se plaignent des recruteurs pour des raisons qui sont légitimes. Moi-même je m’en suis plainte et je m’en plains encore aujourd’hui. J’avais donc envie de leur dire qu’un recruteur ne naît pas recruteur. Il est aussi passé par la case candidat et il continue à passer par cette case (le turnover est très fort dans ce milieu). Je souhaitais aussi expliquer avec mes mots que, ce qu’ils critiquent de l’extérieur, n’est ni plus ni moins le miroir de ce qui s’y passe à l’intérieur. Je pense aussi que ce que j’y évoque est loin d’être la réalité exclusive du monde du recrutement. C’est tout simplement la réalité du monde professionnel. Ce livre parlera aussi bien aux recruteurs qu’aux candidats, aux femmes, aux cadres, et aux jeunes diplômés. Par ailleurs, de façon un peu égoïste, j’avais envie de parler de mon expérience, mon ressenti en étant la porte-parole de nombreux recruteurs qui sont passés par des situations similaires. Je voulais mettre en lumière ce qu’un recruteur vit au quotidien et ce depuis presque 10 ans, avec des choses qui ont changé mais bien malheureusement des choses affligeantes qui restent inchangées. Bien que mes anecdotes n’aient rien d’exceptionnel, j’avais à coeur de les rendre exceptionnelles en utilisant un format différent, un livre (ça change des vidéos Youtube) mais aussi et surtout en mettant des mots dessus, en brisant le silence. Je me suis longuement demandée si j’allais avoir des problèmes en publiant ce livre. J’ai beaucoup hésité. Au début, je n’avais pas une plume dans les mains mais des pincettes. Je n’arrêtais pas de reformuler pour que “ça passe”. Puis je me suis dit quelle utilité de publier un livre qui ne dit pas vraiment les choses. J’ai tout mis à la poubelle et je suis repartie sur une feuille blanche ; Ce qui m’a valu le refus de certaines maisons d’édition RH jugeant mes propos trop vulgaires. Ils m’ont adressé une liste longue comme le bras de reformulations. J’ai refusé. C’est aussi ça s’accepter et assumer ce que l’on dit. Bien évidemment, j’ai eu la délicatesse de ne citer personne. Ce n’est pas un livre dans le but de régler mes comptes. Le but est de parler de cet univers du recrutement avec ses failles, ses forces et surtout comment on peut en prendre conscience, l’améliorer et susciter (sans prétention) une forme de conscience de classe. On n’a pas seulement le pouvoir de faire changer les choses. On a le devoir de le faire. Sinon d’autres le feront à notre place et le feront certainement en pire.

À quel lecteur s’adresse votre ouvrage ?

A tous les lecteurs sans exception.

Quel message avez-vous voulu transmettre à travers ce livre ?

Ce livre est avant tout optimisme. Beaucoup de maisons d’édition ont trouvé que le titre n’était pas en phase avec le contenu d’autant plus que mon faux compte twitter (@JoieDuRecruteur) était bien plus humoristique. Il est clair que ce que j’y raconte n’est pas toujours drôle. Etre positif et optimiste ça ne se matérialise pas toujours par des formules humoristiques et des jeux de mots. Ça se traduit aussi par cette capacité à prendre conscience d’une situation, à le dire en totale liberté et à en tirer des enseignements personnels et collectifs. En bref, une profession qui ose mettre sur la table ce qui ne va pas est une profession en bonne santé. Et le jour où nous arrêterons de critiquer les recruteurs, où les recruteurs eux-mêmes arrêteront de critiquer les recruteurs, cela signifiera peut-être que notre métier est mort…
C’est aussi un livre optimiste pour les candidats, pour tous ceux qui ont rencontré des difficultés à trouver un job, tous ceux qui ont débuté avec un prêt bancaire sur le dos et qui partent sans coup de pouce ni piston. Si on faisait un article : “candidats de la crise, que sont-ils devenus ?”, on se rendrait compte qu’il y a de beaux parcours et des personnalités qui ont réussi à tirer leur épingle du jeu. C’est aussi ça que j’ai voulu mettre en lumière. Par ailleurs, en réalisant une forme de “buzz” dans mon cercle de connaissances, je me disais que c’était une bonne façon de fédérer, de trouver des alliés pour mener à bien certaines de mes idées d’amélioration dans le monde du recrutement comme mon concept d’agent de carrière ou encore l’émergence d’une clinique RH, une entité RH “neutre” proposant un brassage de compétences (marketing, réseautage, coaching, communication, psychologie) et dans laquelle chacun peut apporter sa parcelle d’humanité à ceux qui en ont le plus besoin. Le nombre de fois où j’ai entendu cette phrase : “tu es bien mignonne mais ici on ne fait pas du social”, car le client n’a pas payé pour ça, est incalculable. Je pense que la communauté des recruteurs est une magnifique communauté qui, bien qu’elle soit souvent décriée, porte en son sein de belles personnes, profondément humaines et bienveillantes; Des personnes qui ont envie d’aider et d’accompagner les candidats dans leur réflexion et leur changement professionnel. Notre passion a été pervertie par un environnement de travail qui place l’argument financier au cœur de notre métier. Je pense que nous valons mieux que cela.

Où puisez-vous votre inspiration ?

Étrangement, je ne vais pas toujours chercher l’inspiration dans mon cadre professionnel, ni même en rencontrant exclusivement des recruteurs et des candidats. J’adore côtoyer d’autres métiers : les développeurs et les développeuses, des personnalités du marketing, des journalistes, des juristes. L’ouverture à d’autres univers professionnels, à d’autres personnes, c’est un formidable moyen de faire évoluer son esprit critique et c’est une véritable source d’inspiration pour progresser au quotidien.

Quels sont vos projets d’écriture pour l’avenir ?

Je n’ai pas de projet d’écriture de livre dans l’immédiat. Cela prend beaucoup de temps. Cela dit, il se peut que mon prochain livre commence par “on s’était donné rendez-vous dans dix ans”. J’y parlerai des joies de la robotisation, de l’intelligence artificielle et d’autres solutions qui aideront les recruteurs, je l’espère, à conserver leur métier et surtout leur part d’humanité.

Un dernier mot pour les lecteurs ?

Si mon livre est un CV et la lecture de celui-ci est un entretien avec les lecteurs, alors j’espère que l’on passera un bon moment. J’espère également que j’aurais la chance de susciter chez vous ce que j’ai suscité chez mon premier lecteur qui m’a dit la chose suivante : “je ressort de ce livre différemment que quand j’y suis entré. Il te claque aux tripes”