Interview écrite

1 février 2013
Posté par
Flora

Rencontre avec Nabil Younis, auteur de  » Psychanalyse de la Bible « 

nabil_younis_EdilivreNabil Younis, pouvez-vous nous présenter votre essai Psychanalyse de la Bible ?
Ma Psychanalyse de la Bible est un essai sur l’énigmatique refoulé originaire. La psychanalyse du mythe biblique du péché originel m’a permis de découvrir le contenu de ce refoulé sur lequel se fonde tout notre inconscient : il s’agit du désir de relier le cordon ombilical par peur de la mort, car l’enfant sait que les morts ne respirent pas et il croit que, pour que son corps ne se dégrade pas après l’arrêt de son souffle, il lui suffirait de relier son cordon et laisser sa mère respirer à la fois pour elle et pour lui. Dans mon livre, je démontre que le serpent du mythe du péché originel symbolise, entre autres, le cordon ombilical et le souffle (sifflement), et que la pomme symbolise l’ombilic qui ressemble à s’y méprendre au trou d’où sort le pédoncule de la pomme.

Quant au « péché originel », je crois que notre sentiment de culpabilité s’origine dans les douleurs de l’enfantement, car l’enfant croit qu’on lui a coupé le cordon ombilical en punition des douleurs qu’il a infligées à sa mère en naissant. Cette idée s’accorde non seulement avec Saint Augustin qui dit que nous sommes de naissance coupables du péché originel, mais surtout avec Platon qui, dans Le Banquet, dit que Zeus a puni les hommes de leur faute originelle en les coupant en deux moitiés et en leur laissant au milieu de leur ventre un souvenir de cette punition : le nombril ! Mais l’enfant se sent coupable d’avoir non seulement fait souffrir sa mère en naissant, mais aussi d’avoir vraiment tué un très grand nombre de ses arrières grands mères qui non seulement ont souffert, mais qui sont même mortes en accouchant de « lui », car, anciennement, beaucoup de femmes mouraient en couches, et dans ma Psychanalyse de la Bible je démontre que c’est surtout pour avoir tué sa mère qu’Œdipe se sentait coupable, et que la corde avec laquelle la mère d’Œdipe s’est pendue à cause de lui représente le cordon ombilical.

Pourquoi avoir choisi la thématique de la Bible ?
Le mythe d’Œdipe n’a pas permis à Freud de découvrir le contenu du noyau de notre inconscient. Il fallait donc rechercher notre refoulé originaire dans le mythe du péché originel qui raconte une histoire survenue pendant la toute première enfance de l’humanité, et dont les protagonistes me semblaient être, psychiquement, encore plus anciens que ceux du mythe grec du parricide et de l’inceste… Mais n’oublions plus qu’Œdipe est aussi matricide et qu’il ne s’est crevé les yeux qu’après avoir su que sa mère s’est suicidée à cause de lui !

D’où vous vient cette passion pour la psychanalyse ?
Elle vient de mes refoulés qui veulent retourner dans mon Conscient.

Pour vous, quel est le rôle d’un auteur ?
Etre « sage-femme » en aidant ses lecteurs à se connaître et à naître : c’est le plus noble des rôles, car que sert-il à un homme de connaître tout le monde, s’il ignore son âme ?…

Que vous apporte l’écriture ?
En écrivant je fais de nouvelles prises de conscience. C’est par exemple en écrivant le chapitre sur la relation entre la mort et les douleurs de l’enfantement que je me suis rendu compte que l’enfant se sent aussi coupable d’avoir mangé du corps de sa mère (arbre de la connaissance), péché en punition duquel, et conformément à la loi du talion, il sera un jour ou l’autre mangé lui-même par les vers, et peut être aussi par les serpents que Dieu a condamnés à manger la poussière…

Quels sont vos auteurs de référence ?
Dans mon livre je cite des centaines d’auteurs anciens et modernes, mais le seul auteur que je cite des centaines de fois est mon bien aimé Friedrich Nietzsche.

Avez-vous un second ouvrage en cours de préparation ?
J’ai déjà rédigé, en langue arabe, un petit essai sur quelques aériens poèmes des frères Rahbani chantés par Fayrouz, mais tous les éditeurs libanais auxquels j’ai proposé jusqu’ici mon manuscrit ont eu peur de publier cet essai où je dévoile les latences sexuelles (mais aussi respiratoires) et notamment incestueuses de ces « innocentes » chansons rurales dont ils craignent de voir et de sentir les « sales » racines sous-terraines sans lesquelles ces fleurs de la chanson n’auraient pas pu fabriquer leurs divins parfums…