Interview écrite

24 septembre 2012
Posté par
Marie

Rencontre avec Eugène Michel

Eugène Michel, Théorie de l’extensio est votre dernier ouvrage publié chez Edilivre. Que pouvez-vous nous en dire ?

C’est le résultat d’une réflexion conduite depuis une quinzaine d’années et publiée de proche en proche sous forme d’articles. Le concept principal est celui d’inventus créé en écho à l’habitus de Bourdieu. L’évolution de la vie s’oriente vers une extension du champ relationnel grâce à l’invention d’outils nouveaux rendue possible par l’augmentation du nombre de neurones et de leurs connexions. Ces outils sont les sens, les gestes, la parole et l’écrit. Leur acquisition successive, en gigogne, détermine des étapes que l’on peut appeler maternelle, familiale, collective et individuelle. La théorie de l’extensio explicite la relation entre l’individu et sa société. Elle est très rassurante.

Pouvez-vous nous présenter vos trois autres ouvrages ?

Les Contes du Parvis portent ce titre parce qu’un certain nombre sont inspirés par les environs de Notre-Dame de Paris qui va fêter ses 850 ans en 2013. Quand j’ai découvert votre maison – grâce à un article du Magazine littéraire – ces contes étaient ce que j’avais de plus abouti.

Le suivant, Saisons, était au départ un essai sur l’amour. J’y ai finalement rassemblé ce que j’avais de meilleur en textes courts. Plus un résumé de la théorie de l’extensio qui m’a permis de protéger mon concept de « dualisme flou ».

Quant à Aventures, c’est la condensation de trois anciennes tentatives de romans. Je ne suis pas du tout romancier, mais le cœur de chaque inspiration, j’y tenais ! Ces nouvelles sont devenues une illustration de la théorie de l’extensio. 1ère nouvelle : sens et gestes, 2e nouvelle : parole, 3e et 4: écriture.

Vous avez publié quatre livres très différents : contes, poésie, nouvelles, essai. Pourquoi ce choix ?

Je l’appelle le « carré 2012 ». J’ai donné ce qui me paraissait le plus original ou le plus intense. Ces quatre livres, c’est comme un petit train : une locomotive et trois wagons. J’espère que j’emmène le lecteur dans un beau voyage.

En tant qu’auteur, qu’est-ce que l’écriture vous apporte ?

Je trouve au moins trois plaisirs dans l’écriture : le moment lui-même d’écrire qui me transporte dans l’imaginaire, le souvenir ou le raisonnement ; la satisfaction du travail accompli qui est inséparable du donner à lire ; et enfin l’aide radicale pour inventer ma vie. Si la vie invente l’écriture, c’est que l’écriture lui permet de poursuivre son extensio.

Comment vous êtes-vous mis à l’écriture ?

Au lycée, en seconde, nous avons étudié Paroles de Prévert. J’ai écrit quelques poèmes, je les ai montrés à un camarade qui écrivait. Sa réaction m’a étonné : il m’a conseillé de les recopier dans un cahier. C’est ce que j’ai fait et voilà, cela ne s’est plus arrêté. L’année suivante, je n’ai pas eu de mal à être passionné par la créativité. Dans Aventures, je fais cette confidence : Jean-Louis Aubert fut dans ma classe deux années de suite ! Vous imaginez l’ambiance !

Vous avez sans doute lu des livres de tous genres, quel est le livre ou l’auteur qui vous a le plus marqué ?

D’abord, vers mes vingt ans, Les Nourritures terrestres de Gide. Ensuite, Guillevic. Je me considère comme son élève. Maintenant (1993) est un chef-d’œuvre. Puis Michel Tournier. Je suis un fan des quatre-cinquièmes de son œuvre. Et enfin le sublime Biographie de la faim d’Amélie Nothomb. Pour les essais, ma dette est considérable envers de nombreux auteurs, mais il y a eu surtout La Raison graphique de Jack Goody. Un ami à qui j’expliquais les prémisses de ma théorie m’a conseillé de le lire, ça a été une révélation.

Avez-vous d’autres projets d’écriture en cours ?

Francis Ponge a écrit un livre admirable : Pour un Malherbe. Je travaille à un projet identique pour Guillevic. Mais finalement comme je ne peux pas me passer d’André Breton ni de Francis Ponge, cela devient un Pour un Guillevic, Ponge et Breton. Un wagon de plus au petit train michélien.