Interview écrite

Rencontre avec Annick Ventoso-Y-Font et Mireille Dubois-Bégué, auteures de « La co-intervention à l’école : une nouvelle professionnalité éducative »
25 août 2014
Posté par
Flora

Rencontre avec Annick Ventoso-Y-Font et Mireille Dubois-Bégué, auteures de « La co-intervention à l’école : une nouvelle professionnalité éducative »

Mireille_Dubois-Bégué_et_Annick_Ventoso_Y_Font_EdilivrePrésentez-nous votre ouvrage en quelques mots ?
Cet ouvrage est destiné à toutes les personnes souhaitant partager «l’acte éducatif» afin d’améliorer la prise en charge de tous les élèves. C’est un livre qui parle de professionnalité éducative. On ne peut donc le réduire ni à son approche pédagogique, ni à sa dimension didactique, ni à son approche relationnelle et psychologique mais il est tout cela à la fois. Il cherche, avant tout, à aider les professionnels à analyser et à améliorer leurs pratiques éducatives conjointes.

D’où vous est venue l’idée d’écrire ce livre ?
Annick :
 Formatrice confrontée à la problématique de la co-intervention (le travail avec d’autres adultes en simultané) sans trouver de bases de réflexions suffisamment approfondies, il m’a semblé nécessaire de me tourner vers les personnes qui pratiquaient ce mode de travail afin d’apprendre de leur expérience. Engager une recherche avec Mireille, ma collègue conseillère pédagogique, en était la première étape.
Mireille : J’avais vu dans les classes (aussi bien en primaire qu’au collège) de multiples pratiques de co –intervention et j’étais toujours étonnée par la diversité des approches et l’absence d’analyse concernant cette co-action. Les professionnels que je rencontrais (enseignants, enseignants spécialisés, éducateurs, AVS…) se plaignaient de façon récurrente de ne pas être formés à ce mode de travail «pluriel» et de devoir agir uniquement de manière intuitive. Aussi, lorsqu’ Annick m’a proposé de m’associer à cette recherche sur la co -intervention et de collaborer à un ouvrage répondant à la problématique du «travail à plusieurs dans une classe», j’ai immédiatement répondu favorablement. Et l’aventure a commencé: observations en classe, interviews, enquêtes, recherches, lectures et échanges théoriques…

Quel message avez-vous souhaité transmettre à travers votre ouvrage ?
Mireille :
La co-intervention (le travail à plusieurs) est un «plus» pour tous les professionnels de l’éducation en permettant de diversifier les regards et d’enrichir les approches éducatives. Il n’existe pas une «bonne pratique» pouvant être érigée en modèle mais il faut, au contraire, toujours repenser ses agissements afin de les ajuster à l’autre (ou aux autres). La co-animation est un véritable processus, un cheminement, qui se réfléchit et se construit au fil de l’action. Contrairement à ce que l’on peut nous faire croire parfois, collaborer ne va pas de soi… C’est l’objet de ce livre.
Annick : Face à la complexification des tâches que doivent assumer les professionnels du système éducatif et aux difficultés qu’ils rencontrent, coopérer et co-intervenir auprès des enfants en difficulté scolaire apparaît aujourd’hui comme une des réponses les plus adaptées : ne plus être seul responsable de la difficulté.

Comment se déroulent vos interventions et que tirez-vous de ces expériences de recherche ?
Les observations multiples que nous avons menées nous ont permis de poser les bases d’une démarche de travail à plusieurs qui soit généralisable tout en restant évolutive. Elles nous ont permis de vérifier le réel bénéfice que peuvent tirer les éducateurs et les apprenants de cette multi-présence adulte réfléchie et volontaire. Enfin, ces expériences nous ont amené à faire évoluer nos propres représentations et donc à modifier notre accompagnement et nos actions de formation car nous en percevons bien mieux, désormais, les contraintes et les écueils.

D’après vous, que dire de notre système éducatif face à la scolarisation des élèves en situation de handicap ?
Ce n’est pas un livre sur le handicap, même si on y parle aussi d’enfants en situation de handicap, mais il s’agit d’un ouvrage portant sur un certain type de pratiques (le travail à plusieurs dans la classe) qui, pour nous, favorise grandement la scolarisation des élèves en difficulté à l’école, quelque soit la nature de leur empêchement. Actuellement le monde de l’éducation, en s’ouvrant à la société toute entière, prend conscience de la nécessité de mieux travailler avec les élèves en difficulté qu’on appelle aussi «élèves à besoins éducatifs particuliers»: en bref tous ceux que la pratique de classe habituelle ne suffit pas à faire réussir. On demande donc aux professionnels de l’éducation de prêter une attention toute particulière à ces élèves fragiles, de les accompagner au mieux pour «ne laisser personne au bord du chemin» en faisant preuve d’ingéniosité et d’imagination. Toutefois les propositions pratiques sont peu nombreuses et les retours d’expériences rares. Le livre «La co-intervention à l’école : une nouvelle professionnalité éducative» propose des pistes de réponses.

Quelles pourraient être les améliorations à mettre en place pour favoriser les pratiques éducatives de type coopératif ?
On pourrait, pour commencer, répondre pragmatiquement aux demandes des professionnels auprès desquels nous avons mené notre recherche. A savoir, leur proposer des temps de régulation pour réfléchir à leurs pratiques ainsi que des temps de formation pluri-catégorielle (initiale et continue) qui permettent aux acteurs professionnels concernés par la co-intervention d’échanger et de s’interroger sur la prise en charge de la différence et de l’hétérogénéité des élèves dans les classes . Ce qui suppose une véritable prise en charge de ce mode de travail par les institutions concernées :moyens en personnels, rémunérations, temps et reconnaissance du travail accompli.

Quelles sont les principales qualités de votre livre ?
Annick :
Cet ouvrage ne sépare pas penseurs et praticiens. Son objectif est de proposer d’incessants aller et retour entre théorie et pratique à toutes les personnes qui s’intéressent à la scolarisation des enfants. Il cherche à relier, dans une réflexion à facettes multiples, les professionnels qui agissent auprès des élèves, aux formateurs, coordonnateurs, cadres du système éducatif et chercheurs du monde universitaire.
Mireille : Notre livre part de la réalité du terrain : il relate des expériences vécues et les analyse à l’aide d’un appareillage critique et théorique. Cette démarche permet de réfléchir sur des pratiques existantes, faciles à mettre en œuvre, tout en favorisant la compréhension de ce qui se joue, consciemment ou non, entre les personnes lorsqu’on travaille à plusieurs. Il parle donc à tous ! Chaque professionnel peut s’y retrouver, comparer avec ses propres expériences et profiter de cette mise à distance en faisant le lien avec ce qu’il vit afin d’interroger ses propres pratiques.

Un dernier mot pour les lecteurs ?
La pratique de la co-intervention, rendue nécessaire par les nouvelles procédures de scolarisation d’élèves à besoins éducatifs particuliers, peut faire peur. Pourtant, tous ceux qui l’ont essayée et adoptée disent en être ressortis enrichis, rassérénés et plus confiants dans leurs pratiques professionnelles. Ce livre lui-même est conçu comme l’amorce d’un cheminement, celui des professionnels de l’éducation désireux d’ouvrir un chantier d’innovations dans ce domaine…Alors bonne route à tous et nous attendons vos retours…