Interview écrite

5 avril 2016
Posté par
Guillaume

Rencontre avec Ahmet Ortatchdah, auteur de «Comment sortir du Capitalisme?»

Dans quelle région habitez-vous en France ?
J’habite à Caen, en Basse Normandie.

Présentez-nous votre ouvrage ?
La nouvelle ère que nous expérimentons révèle une transformation de toutes les structures sociales.
Celles-ci passent d’un axe vertical hiérarchique aux réseaux. Ce changement nécessite une adaptation intellectuelle neurobiologique. Ainsi un être humain peut prendre le contrôle d’un réseau dont il est un maillon indispensable. La pyramide des besoins de Maslow est aussi à réorganiser. Il
faut donc reconstituer le système éducatif pour que chaque individu puisse se tourner vers différents métiers en adéquation avec ses besoins personnels. Cette nouvelle notion du travail vise en particulier à favoriser l’épanouissement personnel grâce à l’insertion dans le réseau social.

Pourquoi avoir écrit ce livre ?
Je viens d’écrire ce livre parce qu’en France l’écriture scientifique ne reste qu’au niveau d’analyse, et on ne peut guère trouver d’œuvres qui apportent des propositions concrètes pour changer ou améliorer le système. Par contre, le vrai travail d’un penseur commence dès qu’il finit d’analyser les problèmes du système courant. Le diagnostic révèle que l’icône capitaliste a pris l’individu moderne en otage en lui enlevant toutes autres références existentielles sauf l’accomplissement matériel ; ainsi, même les besoins d’estime, d’amour et d’appartenance seront satisfaits dans les deux dimensions de capitaux économique et culturel (selon Bourdieu). Dans ces circonstances, l’idée de
l’iconoclaste devient un critère primordial pour établir une méthodologie cohérente de dialectique historique: dans chaque étape des processus d’apprentissage, le savoir devrait être remis en question pour extraire l’information de son pouvoir idéologique.

À quel lecteur s’adresse votre ouvrage ?
En voyant la violence, la cruauté, l’oppression, l’injustice que subit l’humanité depuis deux mille ans, que faut-il sacrifier véritablement pour obtenir une vie digne sur cette terre ? Le système capitaliste cherche-t-il et condamne-t-il en permanence l’ « autre » pour instrumentaliser le mythe du sacrifice ? Donc, qui est l’autre dans la société de consommation : les immigrés, les pauvres, les sans-abris… ? Est-ce qu’on devient la propre victime de nos sacrifices personnels pour perpétuer ce système et exister dedans : réduit aux consommateurs ? Il faut donc intérioriser plus concrètement le phénomène du sacrifice et essayer de l’intégrer dans l’existence moderne de l’individu.

Quel message avez-vous voulu transmettre à travers ce livre ?
Il faut redéfinir le travail et l’éthique du travail. Pour l’homme moderne, le travail est conçu
comme sa raison d’être, et l’inspiration de son accomplissement de soi. Mais, la seule récompense pour notre travail effectué est devenue l’argent, qui crée un décalage entre le dévouement et la valeur. Dans une émission télévisée les philosophes et sociologues parlaient de la liberté. Ils ont fini en avouant que le garant de leur liberté personnelle est leur salaire qu’ils recevaient chaque mois.
Voilà, le cercle vicieux! Donc, comment sortir de cette spirale? Il faut définitivement créer une autre récompense et revalorisation du travail et du métier que l’argent. « L’échange entre particulier » et « la banque du temps » peuvent-ils nous inspirer pour de nouvelles sources de motivation ?

Où puisez-vous votre inspiration ?
La société de consommation est issue des cinq derniers siècles de notre histoire et naît en 1492, l’année du début de la colonisation mondiale (selon Massiah). Donc, l’homme moderne n’est que le résultat d’une colonisation et exploitation du monde permanentes. Il faut bien comprendre que la pensée occidentale et ses idéaux sont enracinés dans cette logique de la domination et exploitation de « l’autre » et pour pouvoir en sortir il est obligatoire de prendre du recul sur son histoire et chercher une réconciliation avec l’autre. Pour cela, il est urgent de créer une nouvelle perspective scientifique anticoloniale et antiélitiste.

Quels sont vos projets d’écriture pour l’avenir ?
L’éthique dialectique historique: Cette approche ajoute à la méthodologie de l’éthique dialectique le niveau analytique historique pour pouvoir établir une analogie parallèle entre le passé et aujourd’hui et détecter les décalages entre les réalités sociales et les terminologies socio-politiques actuelles. Puisque même la France peut privilégier ses intérêts socio-économiques sur les droits civiques, il faut donc urgemment des institutions civiques pour éliminer ces injustices juridiques.

Un dernier mot pour les lecteurs ?
Dans un pays comme la France considéré comme « développé », on est arrivé en conséquence à une saturation des marchés de l’offre et la demande. C’est pour cette raison que certains économistes viennent de proposer la décroissance immédiate par la restructuration de l’économie industrialisée dans les pays développés, au moins pour alerter des pays émergents pour qu’ils n’entrent pas dans la même impasse de la mondialisation actuelle. Que signifie la décroissance? On peut penser plutôt à un équilibre imposé entre demande et offre, et se concentrer sur la réorganisation du marché du
travail. La France donne un bon exemple pour un pays dont l’économie actuelle est arrivée à un équilibre optimal. La France des dernières années consomme autant qu’elle ne produit et présente une stagnation tolérable, si on ne la pousse pas à produire plus et regagner des nouveaux marchés mondiaux due à une ambition impérialiste.