Interview écrite

13 mars 2013
Posté par
Flora

Rencontre avec Claudy Ahuka Lutundula, auteur de  » Du Spleen à l’Idéal « 

Claudy_Lutundula_EdilivrePouvez-vous introduire en quelques mots Du Spleen à l’Idéal ?
Tout d’abord je vous remercie pour cette rencontre, c’est pour moi l’occasion de vous exprimer ma gratitude et ma reconnaissance.  « Spleen » en anglais signifie rate. Sous l’Antiquité, la rate était l’organe responsable de la mélancolie.
Le Spleen est en quelque sorte une mélancolie insurmontable, une « dépression ». C’est un peu ce qu’on appellerait aujourd’hui le « bad » !
« L’Idéal » représente, quant à lui, le bonheur suprême, la joie de vivre, sans avoir à se poser des milliers de questions.

Pourquoi avez-vous choisi la forme romanesque pour un sujet qui évoque tant la poésie ?
Cette œuvre est à la fois une référence à des poésies mais aussi une référence philosophique. Tout en tachant de rendre l’oeuvre poétique, j’ai alterné entre le sonnet et la prose tout en essayant de jouer avec les mots et les rimes. Mais ce n’est pas qu’une œuvre poétique, c’est aussi philosophique, j’ai utilisé la philosophie romantique.

Le titre de votre ouvrage fait clairement référence à Charles Baudelaire. Revendiquez-vous une filiation spirituelle avec cet auteur ?
Tout au long de l’histoire, le concept « du Spleen à l’Idéal » a été introduit et développé par Charles Baudelaire, chantre de la modernité, qui occupe une place qui lui est propre dans l’histoire littéraire du XIXe siècle. C’est au travers des œuvres baudelairiennes que je me suis familiarisé avec la poésie. Baudelaire est pour moi une référence en termes poétiques, surtout pour cette œuvre qui a le même intitulé que la première des six sections des Fleurs du mal.

Cette recherche du passage du spleen à l’idéal, en faites-vous une quête ?
Comme vous le savez bien, « le Spleen et l’Idéal » sont deux expressions des sentiments dans un registre lyrique, le spleen étant le désespoir et que l’on y retrouve souvent comme thème principal.
Dans Les Fleurs du mal, le Spleen et l’Idéal font référence au combat mené par Baudelaire pour vaincre le Spleen. C’est une notion intégrante du XIX siècle, que reprendront tous les « poètes maudits » que Verlaine, sous le pseudonyme du « Pauvre Lélian », fera naître.
Baudelaire détache la poésie de la morale, la proclame tout entière destinée au Beau et non à la Vérité, il a tenté de tisser des liens entre le mal et la beauté, le bonheur et l’idéal inaccessible (À une passante), la violence et la volupté (Une martyre), entre le poète et son lecteur (« Hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère »), entre les artistes à travers les âges (les phares). Outre les poèmes graves ( » Semper Eadem « ) ou scandaleux (Delphine et Hippolyte), il a exprimé la mélancolie ( » Mœsta et errabunda « ) et l’envie d’ailleurs ( » L’Invitation au voyage « ). Il a aussi extrait la beauté de l’horreur ( » Une charogne « ). Par ailleurs, ma quête en créant cet ouvrage était d’extraire la poésie de la morale, voilà pourquoi la deuxième section de mes essais est essentiellement consacré aux percées philosophiques.

Comment définissez-vous ces deux notions si contraires dans votre ouvrage ?
Comme Baudelaire l’a déjà indiqué plusieurs fois dans sa première section des Fleurs du Mal, cette notion de  » Spleen  » renvoie plus à une mélancolie rappelant le mal du siècle, désignant un ennui absolu, existentiel, si lourd qu’il en devient paralysant. Mais aussi de l’aspiration vers la perfection, vers le monde des idées où toute contrainte, désormais, est effacée.
Pour moi le Spleen ne correspond pas seulement à la souffrance physique mais aussi morale, et l’idéal est un élan vers le beau mais aussi au bonheur. Le Spleen et l’Idéal baudelairiens sont souvent atteints grâce aux correspondances horizontales et verticales que seuls les poètes peuvent comprendre.

Sont-elles si opposées ? Ne sont-elles pas complémentaires ?
Pour comprendre cette notion, il est important de savoir que le Spleen n’est pas un mal superficiel, c’est un mal profond ici moral.
La définition de l’Idéal, est bien plus subtile que celle que nous connaissons. Pour nous l’Idéal est la perfection suprême, pour Baudelaire c’est différent, il reprend l’idée de Platon, mais nous devons associer à cela une aspiration d’avenir.
Pour mieux comprendre le lien entre le Spleen et l’Idéal, il est nécessaire de comprendre la notion de  » dualité « , définie comme la coexistence de deux choses de différente nature mais impossibles à séparer du fait de leurs relations étroites. L’un des exemples les plus clairs est celui du Bien et du Mal, de la vie et la mort,  où chaque élément est compris souvent dans son opposition à l’autre. Sartre dit de Baudelaire : « C’est en faisant le mal et surtout le mal que Baudelaire arrive au Bien. »

Quels sont vos écrivains préférés ?
C’est une grande question ! Mais pour cette œuvre, Baudelaire, Verlaine, Platon, Sénèque et la Bible ont été mes références.

Un dernier conseil de lecture avant d’aborder votre œuvre ?
Un coca au printemps
Une bonne glace à l’été
Du thé à l’automne
Un bon café en hiver !