Interview écrite

Rencontre avec Yvan PUYBAREAU, auteur de «Hypathie ou la Rose d’Alexandrie»
10 juillet 2017
Posté par
Flora

Rencontre avec Yvan PUYBAREAU, auteur de «Hypathie ou la Rose d’Alexandrie»

Yvan PUYBAREAUPrésentez-nous votre ouvrage

Il s’agit d’une tragédie antique écrite en vers néo-classiques. L’histoire se situe à Alexandrie et se déroule sur une période de trois années au moment de l’avènement du Patriarche Cyrille jusqu’à l’assassinat de la philosophe et savante Hypathie en mars 415. C’est une lutte sans merci opposant Cyrille, le représentant du christianisme triomphant face au mode de vie d’une culture gréco-égyptienne vacillante représentée par la flamboyante Hypathie et son école, arbitrée par le préfet Oreste. Amour, jalousie, trahison et lutte pour le pouvoir et la reconnaissance sur la cité d’Alexandre le Grand rythment la pièce tout en rendant hommage à la culture antique. C’est aussi l’histoire éternelle du choc des cultures et de la liberté de penser et d’aimer face à l’avènement d’une vérité spirituelle sans concession.

Pourquoi avoir écrit ce livre ?

Hypathie ou la Rose d’Alexandrie est mon second ouvrage. Le premier, Gonzalo Guerrero ou le conquistador renégat, édité chez Edilivre en 2014, remporta le premier prix dans la catégorie Théâtre lors d’un concours littéraire. Alors qu’il fût écrit dix ans plutôt et qu’il resta au fond d’un tiroir, rejeté par les éditions traditionnelles, le concours des Arts Littéraires le mit en lumière. Leur fort sympathique et passionné jury  m’abjura de poursuivre dans la même voie m’indiquant par la même occasion votre maison d’édition. Ils essayèrent même de me faire connaître à la Comédie Française !…encouragé par ce succès d’estime, je décidais de continuer dans ce genre de littérature. Féru d’Egypte ancienne, j’envisageai d’y trouver là un nouveau sujet. Après diverses lectures sur la cité d’Alexandre le Grand, notamment l’ouvrage de Jean-Pierre Luminet sur la bibliothèque d’Alexandrie, Le bâton d’Euclide, et le visionnage du film Agora d’Amenabar,  l’idée me vint tout naturellement d’écrire sur Hypathie. Ce personnage me fascina d’emblée par son destin hors du commun. Encore peu connue notamment à cause de la damnatio mémoriae dont elle et ses écrits firent l’objet, son combat naturel contre l’obscurantisme de la nouvelle religion unique dévastant tout sur son passage menée par les patriarches d’Alexandrie ne pouvait que me plaire !…

À quel lecteur s’adresse votre ouvrage ?

A toute personne curieuse cherchant des réponses a nos maux actuels dans le passé. Je suis toujours surpris de la modernité des problèmes évoqués dans les textes antiques. L’avenir l’inquiète et le présent le frappe, mais plus prompt que l’éclair, le passé nous échappe !  affirme  Racine dans son Esther. Voilà qui interpelle sur l’importance de l’Histoire ! ce que comprennent parfaitement tous les révisionnistes de tout bord, barbus ou non, qui au nom de leur totalitarisme, de leur fascisme, de leur théocratie, imposent leur joug infâmant. Détruire des chefs d’œuvres antiques, brûler des livres, s’attaquer à la mémoire des hommes est un humanicide. Savez-vous que la Grotte de Lascaux fait partie des cibles potentielles ? L’univers et la bêtise humaine sont infinis, quoique pour l’univers, j’ai un doute affirmait Einstein. Soyons vigilants !

Quel message avez-vous voulu transmettre à travers ce livre ?

L’Histoire se répète toujours. Extrait de Comment a disparu la civilisation Egyptienne par Jean-Paul De Lagrave : Le 16 juin 391, le plus barbare des hommes condamne à mort la civilisation plus que trois fois millénaire d’Égypte. Cet homme est l’empereur chrétien Théodose (379-395) qui, dans un édit, ordonne la suppression de la religion traditionnelle dans l’ensemble du pays des anciens pharaons, avec toutes les conséquences qui en découleront… Celle d’Hypathie et d’Alexandrie au début du V° siècle de notre ère n’est, hélas, qu’un exemple parmi tant d’autres. La barbarie religieuse est un fait historique, qui sous prétexte d’unir les hommes sous un même Dieu ou prophète les asservit avec leur idéologie établie par des hommes avides de pouvoir. Des élucubrations de la pythonisse de Delphes aux gesticulations des statues de dieux Egyptiens portés par les prêtres en cortège devant le peuple assemblé lors de jugements divins, c’est toujours la même caste qui dirige sans partage n’hésitant pas à fomenter des coups d’états comme au XI° Siècle avant notre ère avec l’arrivée au pouvoir des prêtres pharaons en Egypte. La théocratie est le contraire de la démocratie. C’est le but de tout extrémiste religieux, de tous les fous de Dieu, qu’ils soient juifs, chrétiens ou musulmans. Le multiculturalisme, base de l’humanisme, de la philosophie antique, est une abomination à leurs yeux. L’avènement du monothéisme chrétien à Alexandrie sonna par exemple le glas de la population juive victime de pogroms fomentés par la diatribe acerbe du tout puissant patriarche Cyrille aidé par ses sbires, véritable milice chrétienne, annonciatrice de l’Inquisition. Le bûcher des vanités n’a pas fini, hélas, de répandre ses cendres sur nos têtes : De Savonarole à Al-Qaida et Daesch en passant par les autodafés nazis, les génocides culturels ont encore de l’avenir…

Où puisez-vous votre inspiration ?

Dans mes lectures de récits de voyage, notamment sur les premières rencontres entre des peuples issus de civilisations différentes. J’aime beaucoup les romans et les séries historiques. J’ai une préférence pour l’antiquité qui m’a emmené tout naturellement à Hypathie. Je m’intéresse aussi beaucoup à l’histoire des religions. Pour critiquer, encore faut-il connaitre à minima le sujet…écrire Hypathie m’a beaucoup apporté. J’ai appris bien plus que ce que je savais avant sur le sujet ! C’est pourquoi j’ai publié de manière exhaustive la petite bibliographie afin de faire partager toutes ces émotions procurées par ses ouvrages allant de la Bande Dessinée aux Lettres de Synésius…Internet est une source inépuisable de références ! Sans cet outil, je n’aurais sans doute pas eu le courage d’aller au bout…

Quels sont vos projets d’écriture pour l’avenir ?

Continuer dans le récit historique et les tragédies théâtrales écrites en vers. Je travaille actuellement sur un épisode particulier de la vie à Amsterdam au XVII° Siècle. Un projet sur la révolution française, un autre sur Palmyre sont envisagés ainsi qu’une pièce moderne sur l’Irlande, celle-ci en simple prose. Je continuerai aussi d’écrire des nouvelles, notamment  pour des concours littéraires. Peut-être envisagerai-je de sortir un recueil si la quantité et la qualité sont là, mais ce n’est pas le cas actuellement.

Un dernier mot pour les lecteurs ?

Nul n’a le droit au nom d’une théorie irrationnelle d’un supposé créateur maître de l’Univers d’imposer à qui que ce soit sa façon de vivre, de penser, d’aimer, de manger, de se vêtir, de se divertir… La morale n’a pas à être chrétienne, juive ou musulmane, le bon sens n’a pas de religion. Surmonter les différences culturelles pour enrichir notre diversité, tel était le but d’Hypathie d’Alexandrie et des philosophes de l’école de Platon et de Plotin à l’époque. Souvenons nous en alors que le présent par ses actualités déprimantes nous interpellent sur le vivre ensemble. Rappelons nous Socrate : Je ne suis ni Athénien, ni Grec, mais citoyen du monde. Utopie ? non, quête universelle qui dépend de nous tous. On y arrivera, peut-être pas aujourd’hui, mais demain sûrement!