Interview écrite

Rencontre avec Sylvie Ferrando, auteur de « Carnets de route d’un tueur à gages sentimental »
23 février 2015
Posté par
Flora

Rencontre avec Sylvie Ferrando, auteur de « Carnets de route d’un tueur à gages sentimental »

Sylvie_Ferrando_EdilivrePrésentez-nous votre ouvrage.
Construit à la fois selon les codes du roman d’espionnage et ceux du journal de voyage, ce roman prend place en Afrique centrale, au Gabon et au Congo-Brazzaville. L’héroïne tente à un moment d’entrer en République Démocratique du Congo (l’autre Congo, le Congo-Kinshasa), mais elle est arrêtée à la frontière et refoulée.
Il s’agit d’un roman d’action, où plusieurs meurtres ont lieu, et où le lecteur est invité à pénétrer dans différents lieux, boîte de nuit, pension de famille de Libreville, bâtiments d’une société pétrolière, orphelinat en pleine forêt équatoriale, prison, résidence-hôtel de luxe… C’est aussi un roman qui amorce une réflexion sur la situation contemporaine de certains pays d’Afrique centrale, en essayant d’éviter d’une part le simplisme, impossible néanmoins d’éviter totalement les clichés puisque le propre du roman consiste à les manipuler, et une nostalgie colonialiste ou post-colonialiste.

Pourquoi avoir écrit ce livre ?
C’est le deuxième roman de genre que j’écris, après un premier roman policier, « L’homme en noir », et j’avais envie de creuser le sillon, de m’essayer à cette forme peut-être assez proche des romans d’aventure que l’on lit lorsqu’on est adolescent, parce qu’ils requièrent un scénario très cadré, une intrigue précisément conçue et rapportée.
Je voulais aussi confronter 2 points de vue, ceux de 2 personnages, Jasper Brown, le tueur à gages, et Samantha Perth, l’activiste d’une ONG américaine, tous deux emportés, pour des raisons différentes, dans la même quête, et dont les destinées vont se croiser. Si Jasper reste extérieur, un peu hermétique, son personnage est un narrateur, qui s’exprime à la troisième personne du singulier, en revanche Samantha se livre davantage au lecteur parce qu’elle tient un journal, un carnet de bord, qui exprime ses pensées intimes et le regard à la fois naïf, lucide et désabusé qu’elle porte sur le monde et sur l’Afrique, qu’elle connaît bien.

Décrivez-nous un peu Jasper Brown.
Jasper Brown est un métisse, né d’un père américain qu’il n’a jamais vu et d’une mère burkinabe. Son personnage est mystérieux, il se livre peu, de son enfance on ne sait pas grand-chose, c’est un homme tout entier contenu dans son métier, qui est d’assurer des «contrats», c’est-à-dire de tuer des hommes ou des femmes pour de l’argent. On ne sait pas très bien qui il est, il est sans cesse dans le contrôle de lui-même, sauf quand son côté sentimental prend le dessus, et bien sûr il va céder au charme de Samantha.

D’où vous viennent vos connaissances sur l’Afrique ?
Mes connaissances sur l’Afrique sont livresques. Contrairement à d’autres romans ou nouvelles qui prennent place dans des villes ou pays que je connais et où j’ai vécu, ce roman-ci est inventé. C’est une Afrique née de ma documentation et de mon imagination que je décris, et à laquelle j’ai essayé de donner une force, une authenticité mais aussi une part de magie, de mystère.

Quels sont vos auteurs préférés ?
J’aime beaucoup les auteurs de contes ou de nouvelles, non seulement européens, mais aussi russes et latino-américains, et les auteurs qui appartiennent au courant qualifié de « réalisme magique », comme Borges, Garcia-Marquez, Quiroga…
J’aime également les auteurs qui ont eu pour ambition de dresser un tableau de leur temps, de témoigner sur la société de leurs contemporains et d’ouvrir le champ de l’analyse par la fiction. On peut citer dans cette catégorie Hugo, Balzac, Zola, Proust, Musil, Thomas Mann… ou encore Jules Verne.

À quel lecteur s’adresse votre ouvrage ?
À un lecteur qui aime les voyages.

Quel message avez-vous voulu transmettre à travers ce livre ?
Aucun message, juste le plaisir de la lecture et de la création, de l’émergence de nouveaux mondes.

Où puisez-vous votre inspiration ?
Mon inspiration est essentiellement de deux sortes : elle vient soit des livres que j’ai lu, soit des expériences que j’ai vécu. C’est toujours de la mémoire qui est retranscrite sur le papier, mais dans un cas c’est de la mémoire sémantique, dans l’autre, de la mémoire épisodique, comme disent les chercheurs en sciences cognitives, c’est-à-dire soit de la mémoire «historique», qui appartient à toute une communauté, soit de la mémoire individuelle. Le matériau produit par le premier type de mémoire est plutôt d’ordre informatif, et celui qui relève du second type de mémoire contient plus d’émotions. C’est surtout ce dernier type de mémoire qui ancre la singularité de l’auteur.

Quels sont vos projets d’écriture pour l’avenir ?
Je suis entrain d’écrire un cinquième roman, une saga familiale qui s’étend sur 3 générations, qui démarre à Paris et en Normandie pour se poursuivre aux États-Unis et en Asie. Je renoue un peu avec les thématiques de « Déserts », mon premier roman, qui est un roman sur l’expatriation et la filiation, mais avec un volume, un nombre de personnages et une intrigue plus importants, plus touffu, plus complexe.
Et ensuite, j’ai le projet de revenir au roman d’espionnage ou d’action, en m’inspirant des récents événements qui se sont passés à Paris en janvier 2015, mais il faudra plusieurs mois ou années pour que la maturation et la transposition propres à la fiction se fassent

Un dernier mot pour les lecteurs ?
J’espère qu’ils trouveront autant, et même plus, de plaisir à lire le livre, que j’en ai eu à l’écrire.