Rencontre avec...

12 septembre 2011
Posté par
AA Victoria

Rencontre avec… Serge Carret

 

Serge Carret,vous êtes l’auteur du livre, »Une vie droite »,pouvez-vous introduire nos lecteurs dans votre histoire ? On trouvera ici la tragédie d’un homme de bonne volonté, enraciné dans sa terre piémontaise. La vie y est dure, c’est le Piémont des vallées alpines de la fin du XIX° siècle, avec ses sorcières encore malfaisantes, les masche, avec ses migrations du travail, avec ses espérances, avec les voies ferrées qui percent les montagnes, avec les arches des ponts qui, depuis peu, enjambent les vallées, mais aussi avec ses échecs dramatiques. La guerre de 1915 surgit, puis le fascisme. Giuseppe Caccia croit devoir accomplir son devoir, parfois dans le doute, l’incertitude. Sa sœur, Maria, plus âgée lui sert de conscience. C’est difficile de choisir un cap, beaucoup plus difficile que ne le disent nos manuels d’Histoire édificatrice, dont la mémoire est toujours héroïque.

De héros, il n’y a pas vraiment. Sandro, le frère de Giuseppe, engagé dans la guerre d’Espagne, trouve une échappatoire; le mystérieux menuisier qui passe et repasse dans la vie de ces êtres écrasés finit par se soustraire à la scène. Chacun fait ce qu’il peut.

Il y en a cependant, et c’est tout le personnage du Comte Vincenzo Velletti, qui sont armés pour se tirer d’affaire en toutes circonstances et qui finissent  par obtenir une belle notice nécrologique, honorés d’avoir mené une vie droite.

Quelles  sont les conditions nécessaires dans lesquelles vous devez être pour mener à bien ce genre de travaux littéraires ? Impossible d’écrire sans documentation préalable. Les personnages du roman sont imaginés mais les situations sont réelles. Par exemple, il y a vraiment eu une révolte de soldats dans la petite gare de Dronero. La gare de Dronero existe toujours. Elle est envahie par l’herbe, il y a une association qui voudrait faire circuler à nouveau des trains. Le Comte Velletti lui-même peut faire penser à un haut fonctionnaire qui a traversé toutes les crises, caméléon qui s’adapte en permanence et fait fonctionner ses réseaux. Dans la dernière partie, les faits de la Résistance des Partisans sont des faits réels.

Y a-t-il un message particulier que vous souhaitez véhiculer à travers ce livre ? L’histoire racontée est éternelle et peut être transposée à n’importe quelle époque. Il faut revenir à une scène qui se déroule à Modane. Les graviers du maelström sont brisés et assemblés. Quelques cailloux échappent par hasard au rouleau compresseur. L’Homme est écrasé par son ignorance, ses lâchetés, ses abnégations, par les escroqueries intellectuelles dont il est victime. Le roman pose une énième fois la question des élites qui trahissent et profitent. Il y a la violence criminelle des fanatiques. Et, bien que des prêtres soient d’authentiques héros, que dire du pouvoir religieux ?

Si vous deviez définir votre style d’écriture,lequel serait-il ? Il n’y a aucun dialogue dans le récit. Les protagonistes ont été écrasés et ils ne parleront plus. Les quais des gares n’ont rien enregistré. La vie s’y presse aujourd’hui. Il n’y a pas de dialogue car on ne peut singer une existence qui n’a lieu qu’une seule fois en faisant mine de la répéter. Seules les lettres restent enfermées dans une boîte en fer blanc.

Selon vous,la passion pour l’écriture est-elle suffisante pour se considérer comme écrivain ? Question impossible! Si je dis que je suis un écrivain, il y en qui vont pouffer de rire, et si ,prudemment j’ose dire que je le deviendrai peut-être, après beaucoup d’efforts…on va me taxer d’hypocrisie et on aura raison…ou on m’accusera de bâcler une réponse convenue !

En tant que lecteur, quel est le livre qui vous a le plus bouleversé ? « Le lendemain soir, nous atteignons l’Allemagne…Nous faisons notre entrée  dans un bourg .Les femmes au moins pourraient bien s’arrêter et nous faire un petit signe amical. Tjaden et Jupp essayent, à diverses reprises d’attirer l’attention de quelques unes, mais sans succès…

-Nous sentons le sang, voilà ce que c’est, dit Ludwig Breyer

-Alors, on devrait bien aller prendre un bain, propose Jupp. Peut-être que ça émoustillerait  davantage les femmes…

-Oui… S’il suffisait de prendre un bain, répond Ludwig d’un ton passif. »

Erich -Maria Remarque -APRES.(1931)

Travaillez-vous en ce moment sur un nouveau livre ? Je travaille actuellement à une biographie du Cardinal Consalvi, étonnant personnage, Secrétaire d’Etat du pape Pie VII Chiaramonti.