Interview écrite

Rencontre avec S. Dehoue Beraud, auteur de « La prof se cache pour déprimer »
16 décembre 2014
Posté par
Flora

Rencontre avec S. Dehoue Beraud, auteur de « La prof se cache pour déprimer »

S._Dehoue_Beraud_EdilivrePrésentez-nous votre ouvrage en quelques mots ?
 » La Prof se cache pour déprimer  » relate, à partir d’un cas particulier, le mien, la dégradation des conditions de travail dans de nombreux établissements scolaires, la souffrance dans laquelle peut se retrouver l’enseignant, le triste sort des élèves les plus sérieux, car il en existe beaucoup. Il vulgarise sans décrier une situation parfois cachée, souvent méconnue par notre hiérarchie mais également par ceux qui, bien qu’appartenant au corps enseignant, ont été épargnés par chance ou du fait du hasard

Pourquoi avoir choisi de partager avec vos lecteurs votre expérience de professeur ?
L’écriture de ces lignes, moment très important pour moi, fut au départ motivée par un but thérapeutique : « Libérer la parole et les ressentis par l’écriture pour aller mieux ». Ce n’est qu’ensuite que s’imposa à moi l’envie de partager mon récit avec les lecteurs ; comme un devoir de vérité, un besoin de divulgation d’une situation peu traitée du moins sous cet angle particulier, de reconnaissance du chemin parcouru et également pour rompre le sentiment d’isolement des collègues confrontés à des difficultés similaires. Car, parce que je suis passée par là, je sais que la solitude est grande, la frustration et la culpabilité immenses, doublées de l’impression que c’est nous qui posons problème et nul autre (ni le public, ni les conditions de travail, ni …), or c’est faux !

A quel lecteur s’adresse votre ouvrage ?
Il s’adresse à tous : parents, élèves, enseignants… Dans la préface, je préviens le lecteur de la particularité de mon écriture. Or, à ma grande surprise, il ressort des premiers retours que, loin de déplaire, ce style surprend agréablement le lecteur lambda, le réconciliant avec un exercice qu’il croyait compliqué et a les faveurs du rat de bibliothèque, amoureux des livres, qui finalement semble « s’y faire » sans m’en blâmer !

Conseilleriez-vous à un jeune aujourd’hui de devenir professeur ?
Ce serait hypocrite de répondre par l’affirmative en faisant fi de ce que je dénonce, des difficultés de recrutement voire des démissions. L’éducation nationale a besoin d’enseignants motivés, passionnés. Ils sont fort nombreux mais, bien que nous assistons désormais à une augmentation des choix par défaut, encouragés et faits dans des conditions parfois ubuesques, de nombreux postes restent vacants. N’est-ce pas révélateur ? Je souhaite que de vraies réformes soient faites afin de pallier tous les manques et maux qui expliquent la désaffection actuelle. Pour ces raisons, mais aussi parce que ce métier fut une belle vocation, riche de retombées sur le plan humain et relationnel, parce que les professeurs sont indispensables pour la formation de nos forces vives, je reste optimiste. Il est urgent que le métier d’enseignant retrouve ses lettres de noblesse, la transmission de connaissances son excellence et que la quiétude réinvestisse les établissements scolaires pour la tranquillité et le bonheur de tous.

Quel message avez-vous voulu transmettre à travers votre ouvrage ?
Derrière ce titre  » tristounet  » mais qui colle à la réalité, à ce constat d’une réalité peu reluisante, se profile une note d’espoir qui prend la forme d’une ébauche de pistes d’améliorations, de propositions, pour sortir le monde éducatif du marasme actuel et de la nécessité de se rappeler qu’il y a des cas où les choses se passent bien.

Où puisez-vous votre inspiration ?
Je n’ai pas beaucoup de mérite dans la mesure où il s’agit d’un travail autobiographique. Autrement dit je me suis contentée de mettre par écrit des situations que j’ai réellement rencontrées, motivée par l’idée que cela me permettrait d’aller mieux, d’en ressortir apaisée. C’est un exercice auquel j’ai toujours aimé m’adonner mais c’est la première fois que je ressens le besoin de lui réserver un autre sort que de croupir au fond de mon tiroir.

Quels sont vos projets d’écriture pour l’avenir ?
Je viens de terminer la narration de faits relatifs à un sujet qui m’est très cher mais je n’en dirai pas plus. Pour l’instant, je me concentre sur mon premier livre en ayant à l’esprit que c’est une chance.

Un dernier mot pour les lecteurs ?
Puisque j’ai l’immense privilège de pouvoir communiquer avec vous, permettez-moi de vous faire une petite confidence à propos de la leçon de vie que j’ai tirée de cette expérience. Elle tient en quelques mots : Croire qu’on est indispensable est humain mais grâce à cette descente aux enfers je sais désormais que nul n’est irremplaçable et que « l’important c’est de faire tout ce que l’on peut sans jamais oublier d’être à l’écoute de soi, de son corps, des signaux que nous envoie de façon instinctive cette belle machine dont nous avons tort de croire qu’elle est inépuisable ».