Interview écrite

8 juin 2016
Posté par
Guillaume

Rencontre avec Rose Mendy, auteure de « Journal intime de Deupetanine Vaz »

Où habitez-vous ?
J’ai vécu dans plusieurs villes de France, à commencer par Les Mureaux, Montereau-Fault-Yonne, Meaux, Le Havre, Broglie et je vis aujourd’hui à Évreux, en Haute Normandie.

Présentez-nous votre livre
J’ai écrit l’histoire de ma vie car je voulais que l’on sache combien l’existence d’une jeune noire handicapée est très dure.
Lorsque l’on perd ses deux parents en bas âge, c’est encore plus difficile.
J’ai eu ma poliomyélite, à l’âge de 4 ans. Ma mère mourut plus tard, pendant un autre accouchement. Mon père éleva seul pendant des années, mes demi-sœurs, mon demi-frère et moi. Je n’ai pas profité de ma petite enfance. Je regardais et j’écoutais simplement ce qui se passait autour de moi. En fait, je n’ai été qu’observatrice de ceux qui m’entouraient, c’est pour cela que j’ai voulu faire la lumière sur ma vie, en Afrique.
Mon père était agriculteur et guérisseur. C’était un homme juste.
Je fus envoyée tardivement à l’école, vers l’âge de dix ou douze ans, je ne sais plus ! On m’a appris à lire, à écrire et à parler le portugais, ma scolarité fut hélas, très courte.
Mon père était très âgé et malade, je n’eus donc personne d’autre pour subvenir à mes besoins. Encore moins pour les fournitures scolaires.
Je fus alors adoptée par la famille Ferno, qui me donna un nom de famille. En 1979, on m’emmena au Sénégal où j’appris à gagner ma vie. Je m’occupais des tâches ménagères. Mon seul salaire était la nourriture ! Le droit de manger en quelque sorte. On peut qualifier cela d’esclavagisme. Le mot n’est pas trop fort. J’étais bonne à tout faire. Corvéable à merci. La vie de leurs chiens avait plus de valeur que la mienne ! J’avais deux « tares » rédhibitoires : j’étais orpheline et handicapée ce qui, dans ma communauté, vaut d’être considérée pour une moins que rien.

Pourquoi avoir écrit ce livre ?
Ce livre parle de la souffrance morale que j’ai subie.

A quel lecteur s’adresse votre ouvrage ?
Mon ouvrage s’adresse à ceux qui veulent que la vie soit supportable pour tous. J’ai écrit pour me libérer de la peine du cœur mais aussi de ce qui encombre mon esprit.

Quel message avez-vous voulu transmettre à travers ce livre ?
Je voulais qu’il y ait plus d’amour sur cette Terre car quand j’entends parler de l’entraide africaine, cela me fait sourire.
Cette fameuse solidarité africaine ne fonctionne pas sans contrepartie. La main que l’on vous tend aujourd’hui est une dette remboursable.
En 1988, Albert-Braga Ferno m’emmena en France pour me faire soigner, malheureusement, c’était trop tard pour remarcher normalement. Une prothèse pour ma jambe droite me fut donnée comme seul soin palliatif à mon handicap !
En 1991, son oncle m’hébergea, mais je me suis enfuie de chez lui, la même année parce qu’il me traite mal. Ce fut à cette occasion qu’un agent de la mission locale et une assistante sociale, m’ont mise en contact avec la Commission Technique d’Orientation et de Reclassement Professionnel. Elles m’envoyèrent à Nanteau-sur-Lunain, pour apprendre le français et les mathématiques. C’est à ce moment-là que je fis la connaissance de Gilles Carno, celui qui deviendra mon ex petit ami ! Nous étions dans le même cours. Il me fit découvrir la littérature française. Le premier livre qu’il m’acheta fut  » Sans famille », d’Hector Malo puis, très vite, il me fit lire de grands classiques littéraires, comme Madame Bovary de Gustave Flaubert, les Marcel Pagnol, et bien d’autres encore, ce qui n’était pas de l’avis de notre formateur du centre d’orientation professionnelle, qui se nommait monsieur Bon ! Il estimait que je ne serais jamais capable de comprendre de telles lectures ! Nous lui donnâmes tort. Ce fut une de mes plus grandes victoires. Et si je l’avais écouté, je n’aurais pas eu la chance de vous raconter cette histoire.

Où puisez-vous votre inspiration ?
C’est la vie dure que je mène qui me donne l’inspiration, mais aussi mes lectures.

Quels sont vos projets d’écriture pour l’avenir ?
La deuxième et la troisième partie de ma biographie et un document et reportage. Ils sont prêts pour les soumettre à Edilivre. J’ai aussi deux histoires que j’ai déjà commencées.

Un dernier mot pour les lecteurs ?
Je laisse aux lecteurs d’en juger s’ils lisent mon histoire.