Interview écrite

5 juillet 2013
Posté par
Flora

Rencontre avec Robert Tirvaudey, auteur de  » Nouvelles métaphysiques « 

Robert_Tirvaudey_Edilivre

Pouvez-vous introduire, en quelques mots, votre ouvrage ?
En trois mots, si vous le permettez. Le recueil Nouvelles métaphysiques a pour vocation de donner à voir l’homme englué dans des situations limites, c’est-à-dire extrêmes pour mesurer la frontière ténue entre l’humain et l’inhumain. Quand et comment l’homme bascule-t-il dans l’inhumanité ? Ce qui a donné naissance à « Par ici ».

A travers ce titre, Nouvelles métaphysiques, choisissez-vous d’aborder des thèmes philosophiques dans votre ouvrage ?
Toute forme littéraire se déploie sur fond d’une philosophie en son sens le plus large, implicitement ou expressément. Ce qu’il y a de « métaphysique » ce n’est pas tant la thématique (la guerre, la femme, etc.) que ce qui est visé : les conditions de possibilité d’un être humain confronté à une situation d’urgence. Comment un homme peut-il accepter l’inacceptable ? Ce qui est l’interrogation initiale de La Femme-Jardin. Comment une femme admet-elle le servage ? Autre question qui inaugure « La dernière fille d’Arès ». Un écrit n’est pas philosophique parce qu’il parlerait de « philosophie », mais en vertu de sa ligne poétique qui s’ouvre par le travail sur une problématique historique.

Vous abordez également l’Histoire du 20ème siècle dans votre ouvrage. Pourquoi choisissez-vous la période contemporaine ?
Le 20ème siècle n’est-il pas le plus troublé et troublant ? Mais il ne doit pas être un prétexte à une dramatisation artificielle. Il est constitué d’Événements qui donnent à comprendre ce qui arrive par, pour, et contre l’homme. La Shoah, par exemple, avec Lettres posthumes. Ce siècle est celui de l’Inouï, de l’Indicible et de l’Impensable.

Cherchez-vous à transmettre un message particulier ?
Il faut tenir en horreur le « message » qui instrumentalise et par là détruit la littérature. Proust aurait pu dire en quatre lignes ce qu’il a dit dans la Recherche, en moins de temps qu’il en faut pour le signifier. L’écrivain n’est pas le gardien de la signification car elle est étrangère à l’intention de l’écrivant. À preuve : l’écrivant est le premier lecteur. C’est dire que l’auteur n’est qu’un accident parce que l’œuvre lui échappe inévitablement. Il est un anonyme qui se tourne vers un lecteur anonymé. Toute écriture part de l’homme pour accéder à la vérité sur l’homme. C’est pourquoi le littéraire est nécessairement un humanisme. Il n’y a que l’homme directement ou indirectement comme objet d’écriture. Fondamentalement, si tout a déjà été dit, il faut tout redire.

Vos nouvelles comportent-elles une part de fiction ?
Quelle différence entre une nouvelle historique et une page d’histoire ? Prenez Michelet dans Les Sorcières : littérature et/ou fiction ? La tâche a été de combler les blancs dans des moments tournants de l’histoire aussi bien au sens de la réalité historique que de l’histoire de la littérature. Il y a donc un jeu avec, sur la polysémie du concept d’historia : récit, fiction, réalité historique, fable, conte, étude des faits, enquête. « Les deux vagabonds » témoignent, jugent de l’a-humanité de deux SDF.

Qui en sont les personnages principaux, pouvez-vous nous les présenter ?
Tout personnage est un prototype d’une attitude possible face à des circonstances singulières. À proprement parler, il n’a pas d’autre épaisseur que celle de tout l’homme, de tout homme. Prenons le cas de Kant, dans « L’Exception d’Emmanuel Kant », assurément il est question de Kant posé dans sa biographie authentique, mais il représente la sottise de la pensée philosophique qui se déploie dans le champ de préjugés, en l’occurrence celui qui veut qu’une femme de couleur ne penserait pas !

Un dernier mot pour vos lecteurs ?
Se réapproprier un texte par la lecture c’est le réécrire. Car lire, c’est relire, relire, c’est réécrire. Joyeuse réécriture, donc.