Interview écrite

Rencontre avec Muhamat Corbeau, auteur de « Pasiphaé »
11 mai 2015
Posté par
Flora

Rencontre avec Muhamat Corbeau, auteur de « Pasiphaé »

Muhamat_Corbeau_EdilivrePrésentez-nous votre ouvrage ?
« Pasiphaé » est une tragédie en cinq actes, qui relate l’inexorable passion de la reine de Crète, Pasiphaé, pour le taureau que Poséidon, dieu des océans, fait surgir des flots afin de prouver au peuple l’authenticité des lois que Zeus a confiées à Minos, roi de Crète et époux de Pasiphaé. Descendante du Soleil, Pasiphaé subit la première la malédiction d’Aphrodite, qui maudit la race du Soleil lorsque ce dernier découvrit aux autres dieux son adultère avec Arès, dieu de la guerre. Possédée par un désir contre nature, la reine de Crète n’aura de répit qu’une fois que Dédale lui aura permis de s’accoupler avec l’animal.

Pourquoi avoir écrit ce livre ?
J’ai écrit cette tragédie en 1997, à la suite de mon mémoire de Lettres modernes, qui porte sur Phædra, la tragédie latine de Sénèque. Je tiens, à cette occasion, à adresser mes plus vifs remerciements à Dominique Goguey, Maître de Conférences (langue, littérature et civilisation latine), qui a dirigé mon mémoire, ainsi qu’à Jean Burgos, Professeur émérite des Universités, et Président honoraire de l’Université Savoie Mont Blanc, qui fit partie du jury.

Que signifie votre titre ?
« Pasiphaé » désigne l’héroïne de la tragédie. Tout tourne autour d’elle, de sa passion animale pour le taureau de Poséidon. Dédale, qui lui fournira le moyen de s’accoupler avec lui, en construisant une génisse en bois, n’est pour elle que le moyen d’assouvir son désir contre nature.

À quel lecteur s’adresse votre ouvrage ?
Pour bien comprendre « Pasiphaé », il faut avoir quelques notions de mythologie gréco-latine, bien que les références à la mythologie se comprennent aisément, du fait que je les explicite dans le corps du texte.

Comment définiriez vous le style de votre oeuvre ? Est-ce une forme de pièce de théâtre ?
Le style de Pasiphaé est un style tragique, épique, héroïque, métaphorique. J’ai voulu bannir toute psychologie de la part des personnages, pour peindre la force du destin qui les emporte, la fatalité dont ils sont les victimes. En cela, je suis les préceptes que Nietzsche expose dans La naissance de la tragédie, ainsi que la conception du théâtre de la cruauté, chère à Antonin Artaud.

Quel message avez-vous voulu transmettre à travers ce livre ?
En décrivant les procédés qui ont permis à « Pasiphaé » de s’accoupler avec le taureau de Poséidon, avant de donner naissance au Minotaure, j’ai voulu prévenir le lecteur contre la poussée de tous les totalitarismes, les fanatismes, les fascismes, les nazismes. Le Minotaure, mi-homme, mi-taureau, symbolise la bestialité à la tête de la Cité. Le concours de Dédale, l’ingénieur qui a rendu possible sa conception avant de bâtir le labyrinthe qui l’abritera, incarne quant à lui la science et la technologie au service d’un pouvoir inhumain. L’exemple le plus cruel que l’on puisse trouver dans l’histoire de l’humanité est le système concentrationnaire nazi, qui organisa méticuleusement l’extermination du peuple juif.

Où puisez-vous votre inspiration ?
La lecture des tragédies de Sénèque m’a beaucoup inspiré pour l’écriture de « Pasiphaé ».

Quels sont les auteurs que vous respectez ?
Antonin Artaud, Nietzsche, Sénèque, Sophocle, Eschyle, sont des auteurs qui ont guidé l’écriture de Pasiphaé.

Quels sont vos projets d’écriture pour l’avenir ?
Je travaille actuellement à la finalisation de deux recueils de poèmes : Le Sceau de Salomon et Le Serpent Corail.

Un dernier mot pour les lecteurs ?
La richesse de la mythologie grecque est son intemporalité. Lorsque les créateurs pressentent la venue des guerres et des totalitarismes, ou bien veulent décrire leurs horreurs, ils recourent souvent à la matière mythologique. Jean Giraudoux écrivit en 1935 La Guerre de Troie n’aura pas lieu, Jean-Paul Sartre, en 1943, présenta Les Mouches à Paris. Face à la montée des extrémismes, à la guerre que l’État islamique livre à l’humanité, j’ai choisi d’alerter le lecteur en lui livrant une tragédie, dont le style épique correspond malheureusement aux horreurs de la guerre qui sévit au Moyen-Orient et en Afrique, mais aussi au péril populiste qui menace les démocraties européennes.