Interview écrite

Rencontre avec Moussa Diara, auteur de « Destin de magistrat »
28 juillet 2014
Posté par
Flora

Rencontre avec Moussa Diara, auteur de « Destin de magistrat »

Moussa_Diara_EdilivrePrésentez-nous votre ouvrage en quelques mots ?
« Destin de magistrat » est mon tout premier roman qui relate les mésaventures sentimentales et professionnelles d’un jeune magistrat malien du nom d’Ousmane Coulibaly. Marginalisé par un système judiciaire corrompu jusqu’à la moelle des os, il assiste avec effarement aux dérapages incontrôlés de l’appareil judiciaire avec son cortège de victimes.

Pourquoi avoir écrit ce livre ?
L’incarcération de quelques magistrats suite à la lutte implacable contre la corruption enclenchée par les autorités maliennes actuelles aura fait couler beaucoup d’encre et de salive dans le pays, ces derniers temps. A cet égard, ‘’Destin de magistrat’’ est d’une brûlante actualité. J’ai voulu, à travers cette œuvre romanesque, focaliser l’attention des uns et des autres sur les multiples facettes de la corruption et sur ses causes profondes. J’aurais pu faire un essai sur le sujet, mais j’ai opté pour ce genre littéraire dans le souci de toucher le maximum de lecteurs avec qui partager mes idées. Ce sera donc ma modeste contribution à la lutte contre la corruption dans un corps auquel j’appartiens. Beaucoup de collègues se reconnaîtront, j’en suis certain, dans cet ouvrage en bien comme en mal. Je dois dire qu’il m’a fallu beaucoup de courage pour oser tremper ma plume dans les tares de notre corporation comme la corruption, la marginalisation, le manque criard de solidarité de corps et l’inféodation des syndicats à l’autorité politique. Cependant, mon propos n’est pas de me mettre sur un piédestal superbe en jetant l’anathème sur les autres collègues. Ma démarche procède avant tout de l’autocritique. Du reste, les juges, si blâmables soient-ils, ne sont pas les seuls coupables. Le corrupteur n’est-il pas aussi coupable que le corrompu ? Magistrats corrompus, justiciables corrupteurs, autorités politiques corruptrices qui vendent plus qu’elles n’organisent des concours de recrutement de magistrats et qui monnayent les postes lors des mutations…En somme, la corruption est une question lancinante qui nous interpelle tous, justiciables, autorités politiques et magistrats. Voilà pourquoi elle mériterait d’être abordée dans le cadre d’une responsabilité partagée.

A quels lecteurs s’adresse votre ouvrage ?
En écrivant ce roman, je n’ai pas voulu m’adresser à un public cible. Je voulais un ouvrage dans lequel chacun trouve son compte, un ouvrage écrit dans un style accessible à tous. C’est, au risque de me répéter, la raison fondamentale pour laquelle j’ai choisi une œuvre romanesque. ‘’Destin de magistrat’’ s’adresse donc au monde judiciaire (magistrats, avocats, huissiers, notaires, greffiers…), aux justiciables, aux autorités politiques ainsi qu’à tous ceux qui, épris de justice, œuvrent pour la restauration d’une justice saine, impartiale et crédible au Mali, en Afrique et à travers le monde.

Quelles sont les principales qualités de votre livre ?
Mon premier roman a le mérite de mettre sur le tapis, en plus de la calamiteuse gestion de la carrière des juges, l’épineuse question de la corruption des magistrats dans mon pays sans corporatisme aucun. En effet, pour l’une des rares fois, un magistrat se décide à aborder la corruption de la justice, accepte pour ainsi dire de tremper sa plume dans la plaie commune. Ce qui n’est jamais chose aisée. Mais n’est-il pas temps que chacun des acteurs de la justice assume sa part de responsabilité en la matière ? C’est en cela que ‘’Destin de magistrat’’ se démarque de tant d’ouvrages qui traitent du même sujet. Une autre qualité de l’ouvrage se trouve également dans son réalisme rigoureux. En effet, il s’agit là d’une histoire bien réelle, si réelle que je classe l’œuvre dans la catégorie atypique des romans-reportages ou romans-témoignages. Et c’est ce qui fait toute son originalité.

Quel message avez-vous voulu transmettre à travers votre ouvrage ?
Primo, j’ai voulu, à travers ce livre, attirer l’attention des pouvoirs publics notamment le département de la justice sur les frustrations créées par la mauvaise gestion du personnel magistrat. En effet, il est inacceptable que des magistrats s’éternisent au nord du pays dans l’insécurité totale pendant que d’autres passent presque toute leur carrière dans la capitale ou au sud. Ce qui m’amène à dire que les justiciables ne sont pas les seules victimes des dérapages de l’appareil judiciaire. Parfois, les juges aussi en font les frais. Secundo, j’ai voulu dénoncer la stigmatisation des magistrats dans la lutte contre la corruption de la justice. Il ne s’agit pas pour les gouvernants et le peuple de faire le procès des juges en se mettant eux-mêmes hors de cause. C’est un problème qui interpelle tous les acteurs de la justice. S’il y a eu corruption, c’est parce que des magistrats se sont laissés corrompre, c’est parce que des justiciables ont voulu gratifier des juges pour qu’ils rendent des décisions qui leur sont favorables, c’est parce que les politiques ont vendu les concours de la magistrature à prix d’or et ont monnayé les postes dits juteux lors des mutations, c’est parce que l’Etat n’a pas mis les juges dans les meilleures conditions de vie et de travail…

Où puisez-vous votre inspiration ?
Mon inspiration ? Je la puise dans ma propre vie qui me sert véritablement de muse. Il ne faut pas aller chercher loin. Je suis de ceux qui pensent que la meilleure histoire que puisse raconter un auteur est celle qu’il a lui-même vécue. Une telle histoire est plus authentique, plus sincère et plus crédible. Pour autant, on n’est pas tenu de faire une œuvre autobiographique au sens classique du terme. Je dis cela pour répondre un peu aux nombreux parents, amis, camarades de promotion et collègues qui me demandent toujours si j’ai écrit un roman autobiographique. Comme disent les critiques littéraires, la meilleure autobiographie est celle qui n’emploie pas le <<je>>, car l’auteur y met des choses qu’il s’embarrasserait à mettre dans une autobiographie pure.

Quels sont vos projets d’écriture pour l’avenir ?
Après la publication de ‘’Destin de magistrat’’, je ne compte pas m’arrêter en si bon chemin. La sortie de ce premier ouvrage aux éditions Edilivre m’a redonné confiance dans la nouvelle vie de magistrat écrivain que je me suis tracée. Comme on dit, il n’y a que le premier pas qui coûte. Mon prochain roman qui s’intitule ‘’Splendeurs et Misères de l’ère démocratique’’, paraîtra dans quelques mois aux mêmes éditions que le précédent. Il aborde des questions de démocratie en Afrique.

Un dernier mot pour les lecteurs ?
Ecrire, c’est partager comme lire c’est partager. Je les exhorte à faire une bonne lecture de l’ouvrage et à en partager le contenu avec leurs proches. Je n’ai pas la prétention d’avoir le monopole de la vérité. Telle est ma vision des thèmes que j’ai développés dans le livre. Loin de moi l’idée de l’imposer aux autres. Comme disait Amadou Hampâté Bâ, il y a trois sortes de vérité : ma vérité, ta vérité et la Vérité.