Interview écrite

17 janvier 2014
Posté par
Flora

Rencontre avec Mangal Ndjidda, auteur de « Regards pulsatifs »

Mangal_Ndjidda_Edilivre

Présentez-nous votre ouvrage en quelques mots ?
Regards pulsatifs est un recueil de poésie qui tente de mettre en avant, sous forme de  » récits poétiques « , les feintes en vigueur dans nos sociétés africaines. C’est comme une caméra subjective c’est-à-dire une caméra qui capte les images des scènes difficiles à voir tout en exposant les leurres, tantôt de manière subjective, tantôt objective, en fonction de l’intérêt du sujet.
Les messages subliminaux, l’uchronie, les diviseurs communs qu’on appelle la démocratie ou le régime des libertés, le panafricanisme, les guerres dont les enjeux sont cachés au grand public, le sacrifice de la jeunesse, la construction ou la reconstruction de la  » Tour de Babel « , symbole de l’orgueil de l’Homme, de l’incompréhension et de la défiance envers Dieu, sont exposés dans la plupart des poèmes. Ces regards se dirigent également vers ceux qui complotent contre le développement de l’Afrique, ceux de l’extérieur notamment les partenaires historiques du continent noir qui imposent à l’Afrique les programmes qui comportent des virus. Mais aussi les ennemis de l’intérieur, ceux qui colonisent leurs peuples. Je parle de ces esprits colonisés pour qui la retraite est une punition et qui seraient prêts à tout, quitte à inverser négativement les valeurs et normes, pour rester en activité malgré leur infertilité.
En un mot, c’est un appel à l’empathie qui, d’après moi, constitue plus que jamais la solution pour l’Afrique et le monde.

Pourquoi avoir écrit ce livre ?
Dans un monde où des messages manipulés sont directement envoyés aux subconscients des hommes, où les relations humaines répondent de plus en plus au principe de dominant-dominé, où les repères sont brouillés, et ce surtout en Afrique, nous, la jeunesse africaine, avons cette fâcheuse habitude de croire que la lumière doit venir d’ailleurs et que tout ce qui vient de l’extérieur est meilleur.
Je pense qu’il est temps d’inverser ces croyances et scruter de manière vétilleuse ces  » adventices « , modèles venus d’ailleurs, pour y déceler les programmes infects. Cela implique un filtrage minutieux de nos pratiques et de celles venues d’ailleurs pour rétablir notre propre modèle de développement, qui doit se fonder sur nos valeurs africaines afin de constituer une sorte de boussole capable de nous orienter dans ce monde. Ce monde devenu très complexe et amoral, où la vie humaine a perdu toute sa valeur.
Je prends donc ma plume pour dire notamment dans ce recueil que nous disposons des ressources nécessaires pour développer notre continent. J’écris pour dire que les dettes et les aides octroyées par l’Occident sont payées d’avance et que ce sont ces aides et dettes qui nous empêchent de rester debout. J’écris pour dire que ce sont des valeurs et des modèles puisés dans nos civilisations qui nous permettront de nous débarrasser de nos complexes d’infériorité et d’engager sereinement notre marche vers ce que nous voulons, pas après pas, comme un caméléon, comme un enfant qui apprend à marcher. J’écris, à ma manière, pour lancer un appel à une rétrospection historique en braquant mon regard sur certains événements et certaines figures historiques ayant joué un rôle décisif. J’ai aussi écrit ce livre pour suivre la voie tracée par nos aînés écrivains qui, par leurs écrits, ont su consigner certains faits cachés, ont écrit pour conserver nos mémoires. C’est aussi parce que je désire partager mon point de vue ; l’empathie, dit-on, commence d’abord par le partage.
Enfin, c’est pour réaliser un souhait de mon père qui, lorsque j’étais enfant, a dit un jour qu’il serait comblé de voir un de ses enfants devenir écrivain. Il parlait alors d’un de mes demi-frères qui, malheureusement, n’a pas pu le faire. Je réalise donc ce vœu à travers ce modeste recueil que je lui dédie, même si c’est à titre posthume. J’espère, si Dieu me le permet, d’en produire d’autres à l’avenir.

À quel lecteur s’adresse votre ouvrage ?
Le destinataire est multiple. Chaque poème s’adresse à un groupe particulier mais aussi à tous. Il porte, en fonction des thèmes, des messages adressés à la jeunesse africaine, cette jeunesse sacrifiée, mais aussi à ceux qui gardent encore les réflexes de colonisés même 50, 60 ans après les indépendances. Il s’adresse également aux partenaires extérieurs de l’Afrique, entre autres les institutions internationales, les anciens pays colonisateurs qui ne veulent pas lâcher notre continent et enfin à certains décideurs africains (élites qui sont « étrangers » à leur propre société). 

Quelles sont les principales qualités de votre livre ?
Il ne me sied pas de vanter mes textes, je laisse mes lecteurs en juger. Mais je peux néanmoins les orienter sur ma manière d’écrire. J’ai usé de plusieurs techniques d’écriture notamment la langue des oiseaux ou la glossolalie qui est un outil très utilisé par les grands maîtres de la poésie à l’instar de Prévert.
Par ailleurs, la plupart des poèmes sont en vers libres, rythmés ou non, qui me permettent de garder le message brut en fonction de mon inspiration . Il s’y trouve aussi beaucoup de symboles puisés d’un peu partout, des figures rhétoriques notamment la polysémie, les amphigouris, l’anaphore et des jeux de mots que j’apprécie beaucoup, de figures historiques connues ou inconnues d’Afrique ou d’ailleurs, et beaucoup d’autres choses. Je crois que mes lecteurs pourront juger d’eux-même et j’espère qu’ils apprécieront.

Quel message avez-vous voulu transmettre à travers votre ouvrage ?
Au-delà de la diversion que je gourmande en tout lieu, de ces  » libertés  » que je chapitre vertement à travers mes vers, je lance un appel à la vigilance totale, vigilance surtout dans cette ère où l’Afrique est devenue la poubelle de ces sociétés en perte de vitesse, où le continent noir ne profite pas de ce dont la nature l’a doté.
Un appel à un retour vers l’histoire et les histoires de l’Afrique pour dire qu’il existe bel et bien un complot contre le développement de l’Afrique et qu’il y a des Africains parmi les comploteurs. Un appel pour dire que la solution à nos problèmes ne viendra ni de l’Occident, ni de ses agents, mais de la jeunesse africaine. Pour ce faire, cette jeunesse doit juste rester lucide et comprendre que l’histoire du monde nous offre largement des informations sur l’humanité et la nature des hommes et que nous devrions imprimer ces informations quelques part. Ce sursaut euristique combiné à l’action nous permettra de nous asseoir à la place qui est nôtre et non à la place qu’on nous offre par charité. Nous devons concevoir la possibilité de marcher devant le monde et nous préparer à réaliser concrètement cette éventualité. 

Où puisez-vous votre inspiration ?
Grand amateur des mots rares et anciens, de textes profonds, amphigouriques voire même hermétiques, il est tout à fait normal que sur le plan technique, je m’inspire des grands maîtres de la poésie qui m’ont fortement fasciné et fascinent encore aujourd’hui les amateurs de la poésie. Je parle notamment de J. Prévert avec Le pari stupide dans Paroles, de Césaire avec Le cahier d’un retour au pays natal, E. Mveng avec Balafons mais aussi de La Fontaine avec ses fables dont les textes m’ont toujours fait réfléchir.
Au-delà de leur beauté, j’y ai trouvé des mots militants et des messages qui dépassent le temps et les espaces. Je ne prétends pas écrire comme eux, j’aimerais bien (rires).
Je les prends juste comme des références tout en essayant de suivre leurs traces. Je m’inspire également de l’actualité, de mon vécu, de ce qui se passe autour de moi ou ailleurs. Le visage, les yeux, les paroles et les actes des humains, mes semblables, renferment beaucoup d’informations qui sont pour la plupart contradictoires et c’est cette contradiction qui m’intéresse et que je tente, à travers mes textes, de lire. Je veux aussi interroger mon alter ego sur ses réelles motivations. Il y a bien évidemment mes lutins, qui me susurrent des perles brutes lorsque je me détache du monde sensible ou lorsque je feuillette les pages du plus grand livre de l’univers qu’est la nature. Je laisse à mes lecteurs le soin de deviner ces textes là (rires).

Quels sont vos projets d’écriture pour l’avenir ?
Je travaille actuellement sur une monographie consacrée à mon pays et je tente aussi de progresser dans la prose, avec l’écriture d’un roman et de plusieurs nouvelles. J’ai beaucoup de sujets, notamment la guerre lancée contre les religions et Dieu que nous sommes en train de vivre actuellement, qui me tiennent à cœur. J’espère les finaliser Inch’Allah dans un avenir proche.

Un dernier mot pour les lecteurs ?
Avant de m’adresser aux lecteurs, je voudrais transmettre mes sincères remerciements à Edilivre pour avoir bien voulu m’accorder une place parmi ses auteurs.
À mes lecteurs, tout simplement merci, pour les critiques, le soutien et les encouragements. C’est grâce à vous et pour vous que j’ai publié mon recueil. Je vous conseille de le lire au-delà des mots transcrits mais aussi de les faire lire. Mon second livre est en préparation, je compte cette fois-ci fixer mon regard. Vous m’avez encouragé à publier et moi, en retour, je vous encourage à vous rendre dans les librairies ou sur le site d’Edilivre pour vous procurer un exemplaire de mon recueil. Je sais que je peux compter sur vous, par exemple acheter mon livre (rires), pour m’encourager à écrire encore et encore.
Pour me contacter, me suivre et suivre mon actualité, rendez-vous sur ma page : www.facebook.com/MangalNdjidda