Interview écrite

13 septembre 2016
Posté par
Guillaume

Rencontre avec Madeleine Leveau-Fernandez, auteur de « Eugène Dieudonné, un libertaire à la Belle Époque »

Madeleine_Leveau_Fernandez_EdilivreOù habitez-vous ?
Je suis née à Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis où j’ai vécu jusqu’à mes 30 ans. Je rêvais de Paris et le rêve est devenu réalité puisque je vis dans cette ville magnifique depuis 1978 ! Pourtant, la banlieue en général et Aubervilliers en particulier demeurent les racines profondes qui me constituent et inspirent tout mon travail.

Présentez-nous votre ouvrage
Inspirée de la vie d’Eugène Dieudonné, accusé d’avoir participé à l’attaque de la rue Ordener, orchestrée par Jules Bonnot, cette biographie romancée, mêlant l’histoire et le romanesque, tente de retracer les espoirs et les déceptions d’une jeunesse ouvrière vivant aux marges de la société des années dites de « la Belle Époque ». Confrontés à un mode de vie difficile au quotidien, aux grèves, aux répressions policières violentes, ces jeunes gens imaginent un monde utopique, à l’organisation sociale sans contrainte, sans domination et sans exploitation, que certains pensent atteindre par une vie exemplaire, basée sur la solidarité, tandis que les autres ne connaissent que la violence des attentats. Ces « terroristes » de la « Belle Epoque » poursuivront leur idéal jusqu’à la mort qu’ils ne redoutent point.
Acteurs juvéniles d’une histoire qui les dépasse, ils n’ont que 20 ans, parfois moins, et sont habités de la soif de vivre inhérente à leur âge : amour, amitié, fêtes, sport, pique-niques au bord de la Marne, vie communautaire, ponctuent leur vie.
Ils se définissent comme des « en dehors », en dehors de l’ordre social dominant mais aussi en dehors des organisations syndicales et politiques, ce qui les pousse à emprunter la voie de l’illégalisme et à suivre le « fascinant » Jules Bonnot qui les mènera à la mort pur certains, au bagne pour les autres.

Pourquoi avoir écrit ce livre ?
Depuis longtemps je m’intéresse aux petites gens, aux obscurs, ceux qui ne sont jamais considérés comme des héros. Pourtant, pour moi, les vrais héros ce sont eux, eux qui font l’Histoire : le monde ouvrier, celui de la petite délinquance, Le Peuple d’en bas décrit par Albert Londres ou les Classes laborieuses, classes dangereuses de Louis Chevalier. Probablement parce que mes racines sont là : une famille ouvrière de la banlieue parisienne.
Et puis, je souhaitais aussi détricoter le mythe de la Belle Epoque, les années 1900 que l’on a tendance à idéaliser en oubliant dans quelle misère vivait le peuple à cette époque.

À quel lecteur s’adresse votre ouvrage ?
Mon livre s’adresse à un large public mais plus particulièrement aux lectrices et lecteurs aimant l’histoire et ayant envie de la découvrir autrement que dans un ouvrage formel, parfois peu facile d’accès. Historienne de formation, je travaille avec tout le sérieux et la rigueur d’un chercheur.
Aussi, d’une certaine manière, je peux dire que dans ce roman, tout est vrai mais en partie faux. Tout est vrai puisque j’ai reconstitué les faits à l’aide de biographies dédiées à Eugène Dieudonné, d’ouvrages de, et sur, les libertaires de ces années, de la presse de l’époque, des comptes-rendus d’audience publiés dans La Gazette des Tribunaux. Cependant, la vision romancée est construite à l’aide de dialogues reconstitués et un ou deux personnages, notamment Jacques, le premier ami parisien, ainsi que quelques situations proviennent de mon imagination afin d’en rendre la lecture plus vivante. Si ce récit ne peut être qualifié de « biographie » puisque « romancé », la narration n’en reste pas moins au plus près de la vie réelle d’Eugène Dieudonné et de ses ami(e)s.

Quel message avez-vous voulu transmettre à travers ce livre ?
Je ne sais pas si l’histoire d’Eugène Dieudonné contient un « message ». Mon propos n’est ni de dénoncer ni valoriser les protagonistes de cette histoire. Je n’ai pas de sympathie particulière pour eux mais une profonde empathie certainement. Cette empathie m’amène à décrire au mieux le mode de fonctionnement de cette jeunesse tout en intégrant, en toile de fond, la vie des ouvriers parisiens des années 1900, à travers notamment le logement ou l’atelier, ce que l’on mange ou ce que l’on boit, etc.

Où puisez-vous votre inspiration ?
Mes sources d’inspiration sont multiples mais surgissent souvent de mes lectures. Par exemple, j’ai découvert Eugène Dieudonné en lisant « L’homme qui s’évada » d’Albert Londres. Le personnage m’a séduite et, à partir de là, je me suis documentée sur le contexte général, sur les habitudes, le mode de vie et de pensée, les idéaux des anarchistes de ce début du XXe siècle, sur leurs leaders, la presse, etc. Comme je l’avais fait dans mon premier roman, Amélie Elie, dite Casque d’Or, je réalise, à partir d’un personnage, une véritable enquête policière qui me mène à la construction du roman.

Quels sont vos projets d’écriture pour l’avenir ?
J’ai plusieurs projets d’écriture dont la suite des aventures d’Eugène Dieudonné : sa vie au bagne de Cayenne, ses évasions. Mais je travaille actuellement sur des nouvelles, toujours dans le milieu populaire du début du XXe siècle et ayant Aubervilliers comme décor.

Un dernier mot pour les lecteurs ?
Je désire remercier les lectrices et les lecteurs qui auront la curiosité de porter un intérêt à cet ouvrage. J’espère leur faire découvrir l’envers du décor d’une époque révolue que l’on pense parfois meilleure : « c’était mieux avant » a-t-on l’habitude de dire et pourtant…
Pour ceux qui souhaitent me connaître d’avantage, mon blog les transportera vers d’autres univers, d’autres promenades.
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Merci à toutes et à tous pour la reconnaissance que vous m’apportez.