Interview écrite

8 avril 2014
Posté par
Flora

Rencontre avec Jimi Zacka, auteur de « L’enchantement religieux dans nos Eglises d’Afrique. Exorcismes et syncrétismes »

Jimi_Zacka_EdilivrePrésentez-nous votre ouvrage en quelques mots ?
Cet ouvrage est le fruit d’une enquête minutieuse sur le terrain, documentée et argumentée, et mettant en exergue la pratique dévoyée des exorcismes dans la plupart des communautés chrétiennes en Afrique. L’Afrique est, précisons-le, un monde qui se vit à la charnière du visible et de l’invisible. En effet, l’exorcisme et ses pouvoirs surnaturels fascinent énormément les Africains. Dans un souci d’être guéri ou délivré des esprits maléfiques, certains africains, en situation de grande fragilité, sont souvent en quête permanente d’une médication spirituelle orientée vers les églises de guérison. A partir de ce phénomène bien décrit, on peut relever trois choses  dans ce livre : 1. L’exorcisme crée une ambivalence convergente entre le chrétien et l’animiste. En d’autres termes, il y a une propension « sous-jacente » à garder les croyances traditionnelles sans mettre en péril la foi chrétienne. 2. Les personnes sujettes à cet enchantement ne sont souvent ni changées, ni transformées ; leur foi n’est ni plus radicale ni plus ferme. Elles sont, dans le meilleur des cas, simplement éblouies, émerveillées et à la recherche perpétuelle de plus grands miracles. 3. Les prétendus exorcistes sont souvent des marchands de bonheur dont la pratique, au lieu de libérer le patient, le resserre davantage dans ses chaînes tout en le maintenant dans un état de dépendance vis-à-vis d’eux.

C’est la raison pour laquelle les miracles, généralement, se multiplient et les temples poussent comme des champignons à la ronde, sans entraîner de transformations individuelle profondes et des mutations sociales visibles. Dans le cas de véritables conversions, le miracle n’est pas un absolu et la condition de la foi. En tout cas, la foi préexiste au miracle et les problèmes auxquels l’individu fait face sont des épreuves de cette foi.

Pourquoi avoir écrit ce livre ?
J’ai eu le souci de faire preuve d’une capacité à me questionner sur les modes de guérison en Afrique, y compris l’exorcisme, et à percevoir les enjeux théologiques et anthropologiques de cette réalité complexe dans le vécu quotidien des africains. J’ai souhaité également faire réfléchir tous ceux qui se sentent dépendants d’une puissance asservissante qui leur promet du bonheur, quels que soient la forme et le mode opératoire.

A quel lecteur s’adresse votre ouvrage ?
Ce livre s’adresse d’abord à tous les lecteurs qui s’intéressent à la culture et aux croyances africaines. Ensuite, sur le plan universitaire, comme outil de travail et de recherche, les théologiens, les anthropologues, les religieux, les étudiants-chercheurs peuvent s’en servir pour enrichir leur recherche. Enfin, tout lecteur curieux y trouvera aussi son compte, j’en suis certain.

Quelles sont les principales qualités de votre livre ?
C’est un livre qui s’articule à plusieurs dimensions : théologique, anthropologique et sociologique. Mais ce qui me paraît beaucoup plus intéressant dans ce livre, c’est de souligner la différence fondamentale entre le Christ et tous les faiseurs de miracles, vrais ou supposés qui se réclament de Lui.

Quel message avez-vous voulu transmettre à travers votre ouvrage ?
Il y a une rationalité de la foi qu’il faudrait atteindre. Au cœur de cette rationalité se trouve la notion de liberté. Les religions sont méprisables si elles servent à autre chose qu’à l’affranchissement de l’Homme.

Où puisez-vous votre inspiration ?
C’est souvent face aux aspects les plus sombres de la réalité de la vie que je me prête à une observation patiente. Je m’arrête longuement devant les faits, je passe et repasse, attentif à cerner les ressorts profonds des attitudes, des conduites et des comportements des hommes et j’en fais une source d’inspiration.

Quels sont vos projets d’écriture pour l’avenir ?
Un deuxième ouvrage est en cours de rédaction. C’est un livre qui se proposera à tous ceux-là, politiques et leaders religieux qui, face à leur devoir, se dérobent et se conduisent avec tant de désinvolture.

Un dernier mot pour les lecteurs ?
Ecrit dans une langue alerte, vivante et simple, ce livre est fort utile pour qui est désireux de suivre et de comprendre l’évolution des croyances dans une Afrique faite de consciences assujetties à la quête du bonheur. Je conseille vraiment tout un chacun de lire ce livre.