Interview écrite

30 avril 2013
Posté par
Flora

Rencontre avec Jacques Robert, auteur de  » Un seul bruit sur la terre d’Espagne « 

Jacques_Robert_EdilivrePourriez-vous introduire, en quelques mots, votre ouvrage ?
Mon livre est un hommage à l’Espagne. Cela ne va pas sans critiques, sans railleries. L’histoire est tragique, à la toucher on se brûle les ailes. Cependant, écorchant les sensibilités, elle les révèle. Et j’aime passer du temps avec des personnages de fiction.

S’agit-il d’un roman autobiographique ?
Je ne conçois pas l’autobiographie sciemment voulue, revendiquée. Elle ne cesse cependant de pénétrer la fiction en la nourrissant. Rien de réellement autobiographique donc dans ces textes mais souvent la survenance d’une épiphanie née de la conjonction d’un lieu et d’un début d’histoire.

Pourquoi vous intéressez-vous à l’Histoire d’Espagne ?
Plusieurs raisons sans doute à cela ? Faut-il revenir aux paroles de ma tante, fermière dans le Morvan, évoquant ces exilés espagnols gagnant leur vie en tant que charbonniers et reclus dans la forêt ? Ces gens chassés de leur pays car vaincus dans la douloureuse guerre civile ensanglantant leur nation auraient-ils à ce point marqué ma jeune imagination ? Faut-il se cristalliser sur la gare de Ségovie à l’aube d’un matin d’août et ses deux quais déserts où déambulant dans la longue attente de mon train, j’ai eu le plaisir d’imaginer le bout d’une histoire que j’ai développée dans le trajet jusqu’à Madrid ? Ne serait-ce pas plutôt trois jours auparavant la monumentale pierre jaune et ocre de Salamanque avec la façade sculptée de sa vénérable université qui m’aurait écrasé de sa majesté historique ? Serait-il plutôt pour quelque chose, le besoin de rapprocher les contraires par le biais de la rencontre d’une vieille dame fidèle au franquisme avec sa jeune nièce élevée en France par ses père et grand-père républicains ? En réalité, il semblerait que le besoin de s’attacher à l’Espagne par l’enchaînement des mots s’est imprimé depuis longtemps. Avant de le connaître, le pays tournait déjà dans ma tête…

Quel message cherchez-vous à transmettre quant au conflit franquiste qui a ravagé le pays ?
J’ai certes souhaité montrer les conséquences sur la vie des gens des événements historiques dramatiques mais sans la volonté de transmettre un message. Je pense que le message, c’est au lecteur de se le formuler selon sa sensibilité et son histoire personnelle. Dans une œuvre de fiction, la thèse, doublée souvent d’un aspect moralisateur, va à l’encontre du foisonnement désordonné de la vie (elle en est un peu « l’antithèse »). Il convient de la manier avec souplesse ou de la réserver aux ouvrages dont c’est la vocation.

Quel bilan en tirez-vous ?
J’en retire le sentiment que la nature humaine dispose d’une grande faculté d’adaptation, ce qui lui permet de se relever de ses aventures les plus horribles.

Cherchez-vous à transmettre un message optimiste, pessimiste ?
Finalement, je penche pour l’optimisme ! Rosalin et Lucia lancées à corps perdu dans un périple insensé au travers de l’Espagne en guerre civile survivent à leurs inquiétudes au travers de péripéties angoissantes. Amalia parvient à retourner sa grand-tante en sa faveur. Don Onofrio, sans doute emporté par les eaux du Tage, (mais qui le saura ?) a eu la mort brutale et singulière qu’il pouvait souhaiter. Si Esteban meurt sous la mitraille à la sortie du ravin, le lieutenant Joaquin franchit le dernier rocher et rejoint la forêt.

Un dernier mot pour vos lecteurs ?
Je leur souhaite de ressentir dans leur lecture les frémissements de la vie, cette vie jamais facile à vivre ni à rétablir dans la fragile liberté des mots. Sachant que je demeure très en deçà de l’ambition de Raymond Carver dont j’ose à peine reprendre la maxime : « La vérité foncière de l’expression est la seule morale de l’écrivain. »