Interview écrite

Rencontre avec Jacques Pansard, auteur de « Désir d’Europe ! »
16 avril 2014
Posté par
Flora

Rencontre avec Jacques Pansard, auteur de « Désir d’Europe ! »

Jacques_Pansard_EdilivrePrésentez-nous « Désir d’Europe ! » en quelques mots ?
L’Union européenne traverse une crise d’identité qui menace son existence, faisant le lit des courants populistes et du repli sur soi. L’Europe est devenue une usine à gaz réservée à une minorité d’initiés. Il devient urgent que les peuples reprennent le pouvoir ! Comment les convaincre ? Nous avons sous les yeux, à deux pas de chez nous, un exemple de démocratie multiculturelle qui affiche des performances économiques remarquables, dans le respect des libertés individuelles, avec un système de protection sociale moderne. Pourquoi ne pas s’en inspirer ? Il ne s’agit pas de suggérer un « copier-coller » du modèle suisse mais d’en retirer le meilleur. Ce qui est proposé est faisable à condition de le vouloir !

 

Y a-t-il un événement particulier qui vous a donné l’envie d’écrire cet ouvrage ?
Mes nombreux voyages à l’étranger m’ont permis d’observer la réalité d’un monde multipolaire à l’échelle des continents. J’ai été notamment frappé par le dynamisme de l’Asie, au-delà de la Chine. Le Vietnam, où j’ai enseigné durant plusieurs années à des étudiants de MBA, est une formidable ruche qui s’inscrit au sein d’une ASEAN en devenir. Quand on rentre en Europe, on voit une population vieillissante qui tente de préserver, au prix de querelles de chapelles, les acquis du passé. Il n’y a plus aucune vision pour le futur. Le salut ne pourra venir que d’une synergie des pays européens. C’est ce que tente de démontrer ce livre, à l’appui de nombreux exemples.

 

Outre la Suisse, quels autres pays représentent selon vous un modèle de réussite dont l’Europe devrait s’inspirer ?
Tous les grands pays qui ont opté pour un régime fédéral et démocratique pourraient nous inspirer. On peut penser évidemment aux États-Unis ou à l’Allemagne avec les réserves suivantes : d’une part, il est trop tôt pour « vendre » un modèle Allemand aux Européens, et d’autre part, les attributions du Président des États-Unis sont beaucoup trop fortes pour nous. Il nous faut imaginer un système reposant sur un meilleur équilibre des pouvoirs. Parmi les pays développés, on pourrait également penser au Canada et à l’Australie mais ces pays présentent une singularité : le Chef de l’État fédéral est la Reine d’Angleterre. Souhaitons-nous retourner à la monarchie, fût-elle constitutionnelle ?

Le Brésil, la Russie et la Chine ont également opté pour une organisation fédérale. Il est permis de penser qu’il s’agit donc là du système politique le mieux adapté à notre monde moderne, dans le respect des cultures régionales.

Comment percevez-vous l’Union Européenne d’ici dix ans ?
Sur les bases de son fonctionnement actuel, on ne peut être que pessimiste. Le livre présente d’ailleurs un diagnostic sévère de la situation présente. Un des risques majeurs est de voir la scission entre « buveurs de vin » et « buveurs de bière ». Sans vouloir jouer les Cassandre, il est fort probable que les pays du Sud connaîtraient alors quelques soucis, notamment pour le financement de leur dette. Il s’en suivrait un appauvrissement général, une fuite accrue des meilleurs et une explosion du chômage pour les plus fragiles !

 

Dans la mythologie Grecque, Zeus a enlevé par amour la princesse phénicienne Europe après s’être métamorphosé en taureau. Il serait bien avisé de revenir, transformé en Washington ou en Lincoln ! Il serait alors permis d’espérer des perspectives plus séduisantes. Tous ensemble, nos pays disposent d’atouts considérables, à faire pâlir les États-Unis. Cela suppose d’engager un véritable projet de long terme, exigeant des investissements élevés que la Banque Centrale Européenne serait en mesure de financer sans aucun problème. Ce projet, décrit dans le livre, débute par un acte politique fort, comparable au Serment du Grütli, signé en 1291 par les 3 cantons fondateurs de la Confédération Helvétique.

 

A quel type de lecteur est adressé votre ouvrage ?
A tous ceux qui ont envie de comprendre, dans un langage simple, pourquoi et comment construire une solide Union européenne, seul avenir souhaitable pour les générations à suivre. C’est aussi une occasion de mieux connaître nos amis helvétiques en nous rappelant « qu’on a souvent besoin d’un plus petit que soi ».

 

Êtes-vous également attiré par d’autres genres littéraires ?
« Désir d’Europe !» est mon cinquième livre. En 1986, j’ai écrit avec mon ami Thierry Delarbre un autre essai sur la nécessité de réformer le monde du travail pour gagner la bataille du chômage. Ce livre bousculait lui aussi quelques vieux tabous et demeure hélas d’une totale actualité. Mes trois autres ouvrages concernent le management des transformations d’entreprises, un de mes domaines d’expertise professionnelle. C’est cette compétence en conduite du changement, complétée par une passion pour les sciences économiques, qui m’autorisent à proposer aujourd’hui les idées développées dans « Désir d’Europe ! ».

 

En tant qu’auteur, quelles retombées souhaiteriez-vous avoir suite à la publication de « Désir d’Europe ! » ?
Puissent certaines idées être reprises par des leaders politiques européens d’envergure ! Je serais alors éventuellement prêt à m’y impliquer personnellement. Espérons que cet ouvrage contribuera aussi à mieux comprendre ce beau pays qu’est la Suisse. Comme d’autres, il a parfois commis des erreurs mais il a ensuite cherché à les corriger. C’est après la déroute de Marignan que les Helvètes ont renoncé à leurs guerres d’expansion, alors qu’ils comptaient parmi les meilleurs combattants du continent. La crise de 2008 leur a fait prendre conscience qu’ils devaient modifier leurs pratiques financières. C’est ce qu’ils sont en train de faire. Le récent vote sur la libre circulation fut une autre erreur mais ils le comprendront et réagiront !

 

Un dernier mot pour les lecteurs ?
Je remercie tous ceux qui auront consacré un peu de leur temps à ce livre qui se veut totalement apolitique, pour autant que l’on soit partisan d’une Europe unie. J’espère qu’ils auront mieux cerner les enjeux dans la perspectives des prochaines élections. Leurs commentaires sont bienvenus sur mon blog !

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