Interview écrite

30 novembre 2012
Posté par
Flora

Rencontre avec Giovanni Andreoli, auteur de  » Le feu intérieur  »

Quel est le titre du livre que vous avez publié chez Edilivre ?
Le livre s’intitule Le feu intérieur. Il a été publié en Italie en 2010 par Lupetti Editore avant d’être traduit en français par madame Berta Corvi et d’être publié par Edilivre en juin dernier.

Comment en êtes-vous venu à l’écriture ?
D’ordinaire, j’écris pour un nombre illimité de raisons : des listes de courses, des post-it, des résumés, des comptes rendus et je jette pêle-mêle ces fragments de notes sur des feuilles de papier éparses. Presque tous les jours, je patauge infailliblement dans ce mélange hétéroclite, dans ces genres les plus disparates. Je n’ignorais pas qu’écrire un roman, ce serait une autre affaire ! Je me suis posé plusieurs fois des questions : « L ‘écriture m’est-elle accessible ?  Me permettra-t-elle d’exprimer un état d’esprit, un besoin ? Rendra-t-elle visible ce qui me passe par la tête, ce que j’ai sur le cœur ? ». Au demeurant, le but principal de l’écriture est de mettre des idées et des pensées sur du papier. «Verba volant, scripta manent», disaient les anciens : « Les mots s’échappent, les écrits restent ». Au cours des siècles, la culture n’a été transmise qu’oralement, de génération en génération. Mais les hommes primitifs avaient déjà ressenti le besoin de noter leurs pensées, même avec des outils rudimentaires qui s’offraient à eux.  En 2009, j’ai éprouvé la même nécessité vitale. Après être sorti d’une rupture amoureuse, j’étais redevenu maître de mon temps. Écrasé d’émotion, je me suis donc déterminé de prendre la plume, quitte à m’empêtrer les pieds dans des ronces, pour raconter une histoire qui me tenait à cœur et donner libre cours à tous les mots qui se pressaient dans mon esprit.  J’ai pu, ainsi, réaliser un vrai rangement intellectuel avec plus d’aisance que je n’imaginais. L’écriture est devenue pour moi, mais elle l’est pour chaque écrivain, un mode de communication et une sorte de privilège susceptibles d’aiguillonner mon imagination.

Que vous apporte l’écriture ?
L’écriture représente une source spontanée et un débouché naturel du jaillissement des sentiments que je perçois quotidiennement. Ce sont les ailes de mon imagination qui les saisissent à la volée. Je tends l’oreille, je n’ai plus mes yeux dans ma poche. J’écoute, j’observe. Parfois, un coup de vent, un regard, un geste, une feuille qui tombe ou un évènement apparemment anodin, souvent ignoré par la plupart des gens, déteint sur mon humeur à un moment particulier, et fomente la créativité de l’écriture. C’est quelque chose qui frémit, qui frissonne dans mon estomac comme quand je tombe amoureux. Quelque chose dont, désormais, je ne peux me dessaisir, au même titre que l’air, la nourriture et la vie elle-même. Le désir de transmettre ces sensations et de les partager avec le lecteur devient très fort. Au moment où j’écris, j’ambitionne de diriger ce dernier vers un monde imaginaire. Je suis ravi lorsque je suis à même de transmettre mon message par le moyen d’un style efficace et d’atteindre le but que je me suis proposé. Chez moi, l’écriture est liée à la solitude, à la musique, aux interruptions créatives, à un besoin d’infini et de silence. Je suis une personne friande de nouvelles expériences, si avide au point de ne plus pouvoir m’accommoder d’une seule réalité. Je veux en chercher d’autres, en parallèle avec ma vie et décider du cours des événements. L’innovation est pour moi un facteur essentiel. De nouvelles personnes, idées, possibilités. Ce sont les sèves de ma créativité. L’imagination est un don de l’être humain qu’il faut utiliser et renforcer. J’aime quand elle prolifère, un peu comme une seconde peau. L’écriture fait présente d’une liberté d’expression absolue, mais c’est aussi une grande responsabilité puisqu’elle offre des problèmes à la réflexion.

Pouvez-vous décrire les deux personnages clé du roman?
Federico, le protagoniste, toujours poussé par un vent sans repos de son âme, ensorcèle, enchante. Ce caractère envoûtant, en chair et en os, est issu des pages et s’impose avec force à l’attention du lecteur, dynamique, fort, résolu, combatif et courageux, charmant dans toutes ses contradictions (un bourreau des cœurs) et débridé dans sa vaine tentative de conquérir un équilibre. Je voulais un personnage qui se rende compte des implications extraordinaires de la paternité et le pousser à un combat difficile, joué à mort. Federico devra jouer un jeu dangereux dans un affrontement de plus en plus acharné pour pouvoir jouir du don le plus précieux que la vie lui a laissé, son enfant. Il commencera avec lui le voyage le plus important vers le bonheur. Sans oublier l’optimisme, le courage et le désir de liberté, les seuls bagages nécessaires pour ce voyage. Il se débarrassera ainsi des mauvais tours de Martha qui, jusque là, avait eu un pouvoir d’influence sur le plan amoureux. Tout d’abord, je donne d’elle l’image d’une femme charmante et d’une immense beauté. Après de longues brouilles, Federico se détachera d’elle et s’en rapprochera. Enfin, elle apparaîtra comme impitoyable et féroce, avec sa méchanceté, et même son déséquilibre comme si elle avait été atteinte d’une maladie qui réduit constamment les capacités intellectuelles et le contrôle des émotions. Elle semblera aussi sur la voie de l’aliénation, sur la route de non-retour. En faisant un bilan et en repensant aux personnages, ils sont tous coupables de quelques fautes et tombent tous dans un piège ou sont trahis par leur propre complaisance, un péché semblable à la fierté. Ils se révèlent moins purs que les apparences et sont livrés au lecteur dans toute leur fragile humanité, et pas seulement pour se laisser condamner ou juger, mais plutôt pour se laisser comprendre. C’est un roman intensément audacieux, désinvolte et osé. Le pivot central, après l’affection paternelle, c’est l’amour charnel, centré sur le jeu subtil de domination et de problèmes mentaux dans un dialogue continu sur le fil du rasoir.

Quelle part l’autobiographie a-t-elle dans votre ouvrage?
Quand Federico décrit sa jeunesse, ses amours, ses passions, ses parents, et même la terre et l’environnement qui ont profondément façonné les années de son adolescence, c’est souvent moi qui transparais. C’est moi qui affleure aussi dans la reproduction détaillée, réelle et vive du tableau de la société des Abruzzes. Mais ce n’est pas tout, avec une certaine clarté et honnêteté, il évoque ses peurs, ses erreurs, ses faiblesses et les leçons apprises en vendant chèrement sa peau. En bref, quand il peint sa vie dans toutes ses nuances, il se met à nu et raconte les pages de sa vie qu’il n’a peut-être jamais partagées avec personne. Il révèle ses rêves les plus intimes, ses ambitions, même les plus cachées, ses espoirs les plus secrets qui ont été en quelque sorte les miens. Cette autre affinité nous unit aussi. Les histoires personnelles sont bien vues par les lecteurs parce que ce sont des articles de vie réelle, de vie vécue et elles offrent au public des solutions, mais aussi des réflexions qui créent des débats et des discussions. À la suite de mon expérience personnelle, j’ai voulu, au travers du roman Le feu intérieur, inviter hommes et femmes, pères et mères à la réflexion. Le lecteur est forcé de s’arrêter et de réfléchir à ce que le narrateur dit. L’histoire intime et poignante d’un père séparé, forcé à voir son fils par intermittence, se transforme alors en une dissertation d’un grand intérêt. Pourquoi est-ce que ce sont toujours les pères qui doivent renoncer à souhaiter une bonne nuit à leurs enfants? Est-ce qu’un père séparé doit se départir de son rôle d’éducateur et de l’épanouissement de l’identité en devenir? Federico, le protagoniste, se demande quel sens il y a à régler avec un jugement d’un tribunal la relation naturelle entre un père et un fils. Le lecteur ne peut s’empêcher de ressentir de la sympathie pour celui qui est conscient de perdre chaque moment de la vie de l’enfant. Le feu intérieur fait appel à tous les pères et à toutes les mères qui ont connu ou connaissent une histoire semblable à celle du roman pour soutenir l’argument selon lequel la présence du père est essentielle à côté de celle de la mère. Elle est fondamentale pour le développement mental et affectif des enfants, et le sera davantage au cours de l’adolescence, lorsqu’il faudra les initier à la vie de la communauté, au monde des valeurs et de l’esprit, et les préparer à devenir homme ou femme. L’image du père se décolore de plus en plus et tend à disparaître de la vie de la communauté. Cela cause un vide souvent incomblable chez les enfants. En reconnaissant le droit de tous les hommes d’être pères, on leur permet de découvrir la joie et la beauté de la vie. Tenons-en compte !

Quels sont les auteurs qui vous inspirent ?
Je peux affirmer être un lecteur insatiable et j’ai tiré mon inspiration de cette expérience. J’écris d’un seul jet, guidé par mon imagination. Aucun auteur ne m’a vraiment inspiré. J’ai des modèles, mais je ne subis pas d’influence. J’adore les œuvres de Dickens, la première partie du roman David Copperfield, Gogol, García Márquez, Cervantès et j’ajoute celles de Shakespeare pour lequel j’ai un faible. Ce sont de vrais coups de cœur! J’aime beaucoup la littérature française que j’ai étudiée au lycée en Italie. J’ai une attirance, un goût marqué pour les romans de Flaubert et de Stendhal.

Si vous deviez définir votre style d’écriture, quels termes choisiriez-vous ?
Mon style d’écriture c’est l’expression la plus vive de ma personnalité. Il se ressent de ma vie et des humeurs que je traverse, parce que les histoires vivent et respirent dans le courant de la journée. Mon âge, mon milieu culturel, le sujet du roman, la finalité pour laquelle je l’ai écrit ont certainement influencé mon style d’écriture. J’ai voulu me distinguer avec un style propre, direct, fluide, cohérent et peut-être aussi un peu hardi, en accomplissant un choix et une élaboration personnelle des éléments linguistiques que mon individualité m’a dictés pour exprimer mes idées dans des situations particulières. Je suis convaincu qu’il évolue de manière naturelle avec le temps, mais je ne peux imaginer comment il naît. C’est peut-être le fruit d’un long exercice de patience, et d’une semence déposée en moi généreusement pour créer mon destin.

Quel serait le plus beau compliment qu’un lecteur puisse vous faire ?
J’aimerais entendre dire qu’il a savouré les pages de mon roman, qu’il a ressenti une empathie immédiate et durable avec les personnages et l’histoire, et qu’il éprouve un sentiment de gratitude pour ne pas avoir réussi à s’en détacher. Une attitude favorable charmerait et affecterait agréablement mon esprit. Je crois que ne pas achever un livre est un droit de chaque lecteur. Il y a des romans et des histoires courtes qu’on laisse parfois à mi-chemin. On les remet à leur place avec un signet sur les étagères de la bibliothèque ou bien on les pose un peu par-ci, un peu par-là jusqu’à ce qu’ils disparaissent quelque part et tombent en désuétude. Je déchanterais si mon roman subissait le même sort. Néanmoins, je suis tout ouïe si des lecteurs veulent me signaler quel défaut de ma cuirasse ils ont décelé. Aucun écrivain ne peut prétendre maintenir l’opinion générale dans un bain d’enthousiasme !

Avez-vous d’autres projets littéraires ?
Mon second roman Mai una notte va bientôt paraître en Italie. J’espère pouvoir le faire traduire en français. Je ne peux rien ajouter d’autre.

Un mot pour vos lecteurs…
Je voudrais leur dire de lire, de lire le plus possible et de cultiver le silence de la lecture pour connaître le monde dans toutes ses facettes. Je tiens à remercier Edilivre pour toutes ses initiatives. Grâce à cet éditeur, les écrivains qui risquaient l’anonymat peuvent enfin se faire remarquer et se distinguer.