Interview écrite

28 janvier 2013
Posté par
Flora

Rencontre avec Edith Callet, auteur de  » Lettres d’Afrique 2010-2012  »

Edith_Callet_Edilivre

Edith Callet, comment définiriez-vous Lettres d’Afrique ?
C’est un texte à deux voix, retraçant la découverte et la redécouverte de deux pays d’Afrique occidentale. Les deux narratrices sont portées par leur attirance pour ces pays et leurs expériences différentes. L’une connaît l’Afrique depuis peu, le milieu des artisans joailliers, l’autre a des souvenirs lointains, toutes deux sont animées par une grande curiosité, et attendent beaucoup de découvertes et de joie de leur voyage. Elles vont se plonger dans la réalité agréable africaine, traditions, musique, amitiés, paysages, artisanat, mais vont vite être confrontées aux problèmes de la population et du pays, et elles prennent conscience des tensions de plus en plus inquiétantes entre les ethnies, dues à la situation politique des pays limitrophes et à une situation économique très dégradée. La question des otages enlevés devient préoccupante, mais elles n’en sont pas vraiment conscientes. Le livre reste au niveau des expériences, des rencontres et n’a pas souhaité devenir un livre expliquant les problèmes politiques, religieux et sociaux, car les narratrices ne sont pas des spécialistes, loin de là. Elles veulent partager leurs découvertes, leurs expériences, pensant que c’est d’un abord plus vrai. De retour, la tension n’a cessé de monter, désolante, et la fin du livre attire l’attention sur cette dégradation, grâce aux mails reçus de Tombouctou. En France, on semble s’éveiller subitement et découvrir la situation, mais les média traitent de ce drame humain souvent en termes d’enjeux politiques… Mais ceux que l’on a rencontrés assez heureux et luttant dans l’existence comme tout un chacun sont réduits à un sort si misérable que c’est vraiment choquant. Le livre voudrait rappeler que les gens vivent et veulent continuer à vivre.

Pourquoi avez-vous choisi de nous parler de ce continent ?
Je suis allée au Mali il y a bien longtemps, très jeune professeur, mais des problèmes de famille m’ont obligée à rentrer. La profonde nostalgie du Mali et la soudaine possibilité d’y retourner m’ont fait partir avec une curiosité renouvelée et une expérience plus grande. Je pense que l’Afrique occidentale garde une fascination pour chacun, par ses coutumes, sa poésie, sa littérature, ses paysages, etc. En ce qui me concerne, aller à la rencontre de ces populations souvent remarquables et très dignes, joyeuses et belles, a été une expérience très enrichissante. J’espère ne pas avoir donné une mauvaise image car les Français sont très bien reçus.

Pourquoi avoir choisi d’écrire un texte polyphonique qui nous livre des horizons et points de vue différents ?
Il y a deux personnes bien différentes, de formation différente, d’âge différent, avec des objectifs différents. Pour l’une, le côté aventure musicale, l’immersion dans des cultures différentes et les côtés touareg et joaillier viennent en première ligne ; pour l’autre, ce qui l’emporte, c’est mettre ses pas dans un passé inachevé, aller dans le pays dogon, et prendre conscience du devenir de ces pays aujourd’hui.

Quel est le but de votre ouvrage ?
C’est un témoignage d’instants souvent magnifiques qui ont disparu dans la tourmente de la guerre, de l’insécurité et de la pauvreté générale, malgré de belles réussites, fragiles hélas.. Quand j’ai retranscrit le dernier Email, je ne savais pas que Sabri, sa famille et les autres habitants qui ont réussi à fuir seraient maintenant dans des camps, ayant tout perdu.

Vous êtes professeur de lettres classiques. Comment conjuguez-vous le métier d’enseignante et celui d’écrivain ?
Je suis à la retraite, et bien que je continue à être très proche du milieu étudiant, je me consacre davantage à l’écriture.

Quels sont vos auteurs de référence ?
D’abord, la première, Madame de Sévigné, que j’ai fréquentée toute ma vie. Et tous les mémorialistes…

Ecrivez-vous depuis longtemps? Comment est née la vocation littéraire, si présente dans votre existence ?
J’écris depuis toujours, pour me défouler d’abord, puis pour raconter, faire voir. J’adore la photo aussi, et je me suis aperçue que mon oeil enregistre tout ce qu’il peut voir et que mes oreilles ne sont pas inactives non plus. Je ne suis pas douée pour l’imagination mais pour relater.

Quels sont vos projets futurs ?
J’écris en ce moment sur un autre versant de ma vie personnelle, et ensuite j’espère aborder des sujets amusants et contemporains.