Interview écrite

Rencontre avec Destinée Doukaga, auteur de « Mon Labyrinthe » et « Héros dans mes veines »
19 décembre 2014
Posté par
Flora

Rencontre avec Destinée Doukaga, auteur de « Mon Labyrinthe » et « Héros dans mes veines »

Destinée_Doukaga_EdilivrePrésentez-nous vos ouvrages en quelques mots ?
« Mon Labyrinthe » est un récit autobiographique publié en juin 2014, mais qui a été en réalité écrit une dizaine d’années auparavant. Il relate une partie de ma vie passée au campus de l’université Marien N’gouabi au Congo-Brazzaville. Une période tumultueuse où joies et peines s’entremêlent dans un environnement au total dénuement mais où il fallait s’accrocher à tout prix à un parcours aux refrains très biscornus pour « gagner » sa vie.
« Héros dans mes veines » paru en septembre 2014, est un recueil de poèmes qui fait chanter mon état d’âme de cette même époque et ce que la société m’inspirait.

Vous écrivez à la fois de la poésie et des romans, quel est selon vous le point commun entre toutes vos œuvres ?
Dans les poèmes je trouve un moyen d’exprimer ce que je ne pourrais dire avec le verbe. J’y aborde des notions de raison tandis que dans le roman je trouve mon exutoire du quotidien. Les deux œuvres sont intimement liées. A chaque fois que j’écris un roman, celui-ci accouche toujours des poèmes en parallèle.

A quel lecteur s’adresse vos ouvrages ?
J’aurais voulu que ceux qui ont un destin commun avec moi puissent me lire. Je pense en premier lieu à ceux qui ont vécu ou vivent dans un campus de Brazzaville, surtout les jeunes filles. Je pense que « Mon Labyrinthe » peut servir d’exemple à celles qui pourraient s’identifier à mon histoire. Elles gagneront certainement à découvrir comment je m’en suis sortie. Il n’est pas facile pour ces filles qui viennent à l’université sans soutien financier ou même moral de ne pas être tentées de se tourner vers des options qui les détourneraient de leurs objectifs. Elles apprendront avec quel acharnement je me suis collée au travail malgré ma condition défavorable. Et en même temps j’invite tout le monde à lire ces deux ouvrages, question de découvrir les dessous de certains parcours dont l’issue semble parfois donner l’impression d’avoir été réalisé sur des roulettes, alors que la réalité est tout autre.

Quel message avez-vous voulu transmettre à travers votre œuvre ?
En dehors du fait qu’il sert de support de mémoire, « Mon Labyrinthe » véhicule un message de ténacité et de persévérance tout en conservant sa dignité de jeune fille, cela est possible. J’avais tout pour me tourner vers la prostitution, mais je ne l’ai pas fait. Ces filles qui étudient dans la plus grande précarité devraient se dire que si j’ai réussi, elles pourraient y arriver aussi. Je les exhorte aussi à se donner des modèles. Cela peut être une véritable source de motivation. Si je me suis accrochée à la vie, c’est aussi grâce à ces femmes que j’avais pour modèles dans la société Congolaise. J’avais particulièrement en admiration Madame Rosalie Kama Niamayoua, Ministre de l’enseignement primaire et secondaire chargée de l’alphabétisation du Congo-Brazzaville à l’époque. Je voulais lui ressembler point pour point. Puis je l’ai approché. Cela a doublé mon envie de réussir. Aujourd’hui cela fait dix ans jour pour jour que cette femme m’a adopté et m’encadre de très près depuis lors. Je l’appelle maman et c’est officiel. J’aurais souhaité que ces jeunes filles se trouvent des modèles identification, je suis persuadée que cela les aidera.

Où puisez-vous votre inspiration ?
Une bonne partie, en observant le quotidien, en écoutant et en apprenant. L’autre partie à travers mes lectures, notamment celles de Henri Lopes, écrivain Congolais, mais aussi de Balzac, et tant d’autres.

Quels sont vos projets d’écriture pour l’avenir ?
Un prochain roman et un recueil de poèmes sont en cours d’édition. Cette fois, j’ai peint les mœurs sociopolitiques d’un univers où chaque Africain pourra facilement se retrouver. Une forme d’interpellation à moi-même et aux autres à la prise de conscience des droits et devoirs de chacun dans l’intérêt de tous.

Un dernier mot pour les lecteurs ?
Grâce à « Mon Labyrinthe » je peux ouvertement parler de ma vie, même des aspects qui hier me paraissaient encore douloureux et lourds d’expression. Je me sens libérée et utile aux autres à ce que mon histoire serve de témoignage aujourd’hui. Je ne suis pas encore au bout de mes efforts, mais j’ai déjà réussi un petit parcours valable pour le partage. Je suis aviatrice, avec une riche expérience professionnelle dans d’autres domaines derrière moi. Je suis membre d’une ONG panafricaine nommée FAWE (Forum for African Women Educationalists) qui milite en faveur de l’éducation des jeunes filles en Afrique. Maintenant, je peux quand même affirmer sans crainte, comme Guillaume Sorro que « Mon destin est formidable ».