Interview écrite

Rencontre avec Daniel Tourret, auteur de  » Trace de Terre  »
11 décembre 2014
Posté par
Flora

Rencontre avec Daniel Tourret, auteur de  » Trace de Terre  »

Daniel_Tourret_EdilivreSi vous deviez vous présenter, en deux mots ?
En deux mots ! Dans ce cas, je dirais : terrien humain. Ce voyageur aux pieds nus, brûlés du feu de la Terre, aux bras levés vers l’inaccessible étoile, aux mains tendues à toucher les oiseaux, les nuages et les amours de la vie, au cœur à corps perdu d’avance, d’où son âme volage partira en voyage… à la fin.

C’est un certain goût pour la poésie, qui a présidé à l’écriture de votre livre ?
Non, même si la poésie reste toujours au service de ceux qui ne s’en servent pas. C’est la première question à laquelle répond le livre ; la réponse n’étant donnée qu’à la fin seulement… Pour résumer sa genèse, sans rien dévoiler du contenu, je parlerais de l’empreinte laissée sur moi par plus d’un demi-siècle de vie sur Terre, et l’inéluctable et impérieuse mission d’avoir à y laisser la trace née de cette empreinte. D’où le titre Trace de Terre.

Il y a toutes les chances pour que votre livre soit autobiographique, non ?
 » A l’exhibitionnisme de l’auteur, il faut opposer le voyeurisme du lecteur « . Néanmoins, je répondrais que si, à cette question, un auteur vous répond non, eh bien, il ne faudra pas le croire. Non pas qu’il mente forcément, mais parce qu’il n’a peut-être pas encore pu prendre conscience que quoi qu’il puisse écrire, même un polar où tout ne serait qu’invention, c’est lui tout entier et lui seul qui transpire à travers ses personnages et leur histoire, et aussi et surtout à travers son style. Cela dit, les livres sont plus ou moins volontairement autobiographiques, bien sûr. Pour ma part, c’est oui ; le mien l’est profondément.  » Le livre est ce miroir déformant dans lequel, enfin, on peut se voir tel qu’on est « .

Et si vous deviez le résumer, en une phrase ?
C’est comme demander à un musicien de dire ce qu’il a voulu exprimer par sa musique. C’est lui faire injure et l’offenser. Son oeuvre est une et indivisible, incompressible. La résumer équivaut à la détruire, à la salir, à lui voler son âme et celle de celui qui l’écoute. S’il compose, s’il peint, s’il sculpte, s’il joue la comédie ou s’il écrit, c’est que l’artiste ne veut plus, ne peut plus, ou ne sait plus parler… Mais par faiblesse et par crainte de paraître par trop prétentieux, je dirais néanmoins que j’essaie de poser la question de savoir si par essence même, l’homme ne serait pas inapte à gérer la planète Terre, et plus encore, si par nature profonde, il ne serait pas tout simplement inapte au bonheur ? Y répondre par l’affirmative serait-il forcément si triste que ça ? Cette lucidité ne pourrait-elle pas alors lui servir d’intelligence ?

Si donc vous poursuiviez un objectif, à travers ces interrogations, qu’est-ce qui vous ferait dire qu’il a été atteint ?
 » Le but c’est le chemin « , dit le philosophe Goethe. En matière d’art, je ne pense pas en effet qu’il soit nécessaire pour créer, d’avoir un but conscient et explicite ; car il s’agit bien de cela. Certes, on n’écrit pas pour rien, mais je crois que même lorsque l’artiste donne à sa création une finalité rationnelle, quelle qu’elle soit, elle est avant tout une oeuvre d’expression proche de l’instinct de survie, comme irrésistible ;  » c’est plus fort que lui « . C’est son histoire, les événements vécus et les circonstances rencontrées qui poussent l’écrivain à s’asseoir devant la page blanche, qui lui tiennent la main, qui guident sa plume et dictent ses mots. L’auteur n’est pour moi qu’un instrument docile, entre ces mains invisibles et implacables qui portent l’humanité. Cela dit, par pure vanité, de savoir Trace de Terre tracer sa route sur tous les chemins de Terre, m’apaiserait beaucoup? même si j’écris :  » Aucune de tes réussites ne te permettra de réussir ta vie  »

Et quel nom leur donneriez-vous, à ces mains qui nous portent sur les chemins de la vie ; Dieu ?
Certainement pas ! Même si c’est en général le nom que lui donne la majorité des humains. Là aussi, ma réponse sur ce point précis est dans le livre, où je dis, entre autre :  » Comme cet être cher disparu à jamais, Dieu existe  »

Seriez-vous un adepte de la phrase paradoxale ? Et diriez-vous que vous êtes un écrivain provocateur ?
La réponse ne peut être binaire : un ou zéro… L’intérêt du paradoxe, c’est qu’il pousse à la réflexion. En matière de provocation, les responsabilités sont toujours partagées entre l’auteur et le lecteur. Mais cela me rappelle ce papier que j’avais fait dans un journal interne à mon entreprise, où j’avais écrit ce mot écrivain, en deux mots « écrits vains », pour souligner à quel point, même quand ils ont la chance d’être lus, les auteurs sont si peu entendus; C’est probablement vrai pour tous les créateurs, quel que soit leur art. Si l’on accepte l’idée que ce mot d’écrivain est connoté de l’idée de reconnaissance par le monde de la littérature, et par le plus grand nombre, alors, je dirais que loin d’être un écrivain, je ne suis qu’un auteur, dans ce que cela comporte de plus ordinaire, et de plus extraordinairement unique à la fois…

Vous avez donc le sentiment d’avoir écrit un bon livre, ou tout au moins un livre important ?
Oui, bien évidemment ! Et cela ne peut être en effet, que l’expression d’un sentiment. Vous savez, pour l’immense majorité des parents, il est important de faire des enfants, et tous trouvent très beau le produit de leurs amours. Eh bien c’est un peu la même chose pour les créateurs, qu’il s’agisse de musique, de peinture, de sculpture, de théâtre… ou de littérature. Dans ce qui fait le succès d’un livre, il y a de très nombreux paramètres : la qualité de l’écriture certes, mais aussi le mode d’expression, la structure interne du livre, sa présentation externe, la notoriété de son auteur, le mode de publication, la publicité faite autour de l’ouvrage, la force du message exprimé, son lien avec l’actualité, le moment de la parution, la personnalité de l’auteur et de l’éditeur, et enfin, la chance… Mesurer la qualité d’un livre à son succès en librairie, revient à mesurer la valeur d’une personne au montant de sa fortune. Cela dit, en toute immodestie ; oui, j’ai pondu un bon livre, très important, capital même, et inutilement indispensable.