Interview écrite

Rencontre avec Claude Éric Owono Zambo, auteur de « Langue d’écriture, langue de résistance »
30 janvier 2014
Posté par
Flora

Rencontre avec Claude Éric Owono Zambo, auteur de « Langue d’écriture, langue de résistance »

Claude_Eric_Owono_Zambo_EdilivrePrésentez-nous votre ouvrage en quelques mots ?
Mon livre interroge la langue de création du romancier franco-camerounais Mongo Beti. Longtemps connu comme étant un auteur classique, il apparaissait donc intéressant d’examiner la pertinence de l’introduction, à la fin de sa carrière en 1999 et 2000, des formes de parlers populaires faites d’appropriations et de mélanges de codes. Ce livre permet d’envisager cette nouvelle forme d’écriture, non comme un clin d’œil à l’exotisme, mais comme une manière de résister à la norme du français en libérant les locuteurs africains du diktat d’une langue exogène coloniale.

Pourquoi avoir écrit ce livre ?
J’ai voulu travailler sur l’auteur Mongo Beti, pour deux raisons.
C’est l’un des meilleurs romanciers dont dispose l’Afrique. Paradoxalement, il n’a pratiquement reçu aucune reconnaissance (inter)nationale. Pis encore, dans son pays d’origine, il n’est pas intégré dans les programmes scolaires à cause de ses positions scripturaires politiques, entièrement critiques contre toutes les formes (affichées ou masquées) de colonialisme. Écrire sur Mongo Beti était donc pour moi un hommage rendu à son génie mais aussi un devoir de perpétuation du combat qu’il a mené pour libérer les esprits maintenus dans l’habitude du malheur par des institutions (néo)coloniales et néo-bourgeoises.

À quel lecteur s’adresse votre ouvrage ?
Tous les curieux de l’histoire des peuples colonisés y sont conviés. Outre le fait que cet ouvrage soit de facture académique, il reste tout de même conseillé à ceux qui veulent comprendre les notions d’autorité, de langue ou culture haute, etc.

Quelles sont les principales qualités de votre livre ?
Ce livre rend compte du piège qu’il y a à négliger sa propre langue pour se réclamer d’une appartenance exclusive à la langue dominante. Il redonne aux langues et cultures locales leur importance dans le concert de la diversité humaine. Il indique à l’Afrique que sa littérature, in fine, devrait s’offrir les services de sa socio-culture nouménique. L’ouverture à l’altérité est utile mais la (re)connaissance de soi est une condition vitale.

Quel message avez-vous voulu transmettre à travers votre ouvrage ?
L’Afrique reste un continent en situation de dépendance politique, économique, linguistique et culturelle. Il est temps que le feu de l’aliénation, dans lequel brûlent les consciences des Africains, s’éteigne par le biais non seulement de la fréquentation des auteurs militants mais aussi de la prise en main de leurs ressources identitaires.

Où puisez-vous votre inspiration ?
Je m’inspire du monde impérialiste associé à l’histoire politique et culturelle de l’Afrique. Le terrain d’injustices qui habite ce continent forge ma propre réflexion et suscite en moi le devoir d’écriture.

Quels sont vos projets d’écriture pour l’avenir ?
Je suis actuellement en train de terminer la rédaction de trois livres : un essai sur Mongo Beti, une théorisation du devoir de résistance et, enfin, un roman sur l’amour en milieu universitaire. Je compte les publier au courant de cette année 2014.

Un dernier mot pour les lecteurs ?
J’espère que mes lecteurs prendront du plaisir à me lire comme j’en ai pris à écrire ce livre. Je souhaite qu’ils accèdent à la pensée de Mongo Beti afin que se poursuive la réflexion qu’il avait juste entamée sur les soubresauts de la Françafrique et de la néo-bourgeoisie locale.