Interview écrite

21 juillet 2016
Posté par
Guillaume

Rencontre avec Benjamin Boyer, auteur de « L’Empire des Mots »

Dans quelle région habitez-vous en France ? Sinon, dans quel autre pays ?
Je vis en Seine-Saint-Denis (93) à Aulnay-sous-Bois, Île-de-France.

Présentez-nous votre ouvrage
Dans un futur lointain, la possession de sources historiques fait l’objet d’un tel trafic, qu’une famille s’en est emparé pour établir un culte de la personnalité puis un empire religieux. Néanmoins, l’empire est vieillissant et multiplie les pires manipulations pour assurer sa survie… Gabriel est un détenu banal dans un campus pénitentiaire où les traitements infligés lui ont fait perdre le souvenir de son passé. Aidé du Projet Prisme, il parvient à s’évader. Mais l’aide du mystérieux groupe n’est pas gratuite : devenu objet de communication et l’homme à abattre, Gabriel devra collaborer et rencontrer les bas-fonds de l’empire pour survivre et découvrir la plus puissante arme politique jamais utilisée. Mais qu’en ferait-t-il et quel monde différent pourrait-elle servir ?

Pourquoi avoir écrit ce livre ?
Ancien étudiant en histoire, j’apprenais ce que l’on appelle l’épistémologie de l’histoire et l’historiographie. Deux termes bien compliqués pour d’une part définir la philosophie des historiens et d’autre part l’histoire de la manière et des raisons pour lesquelles on a voulu et pu écrire l’histoire.
Fumeux n’est-ce pas? J’ai donc décidé de changer la donne et de rendre ces enjeux cruciaux accessibles ! Il suffit d’allumer le premier écran à votre portée pour constater dans les médias qu’actuellement encore, l’Homme s’empresse et s’agite pour accéder au pouvoir et être reconnu.
Tous ces enjeux universitaires, aussi soporifiques soient-ils, seront néanmoins toujours d’actualité. C’est un « présent permanent ». On manigance, on tue, on se cache, puis on resurgit pour exister ! J’ai considéré que ce joli jeu d’échecs méritait un bon dépoussiérage !
Alors j’ai détourné les concepts pour en faire des personnages et écrire une histoire d’aventures, dans un monde de science-fiction rapide, violent et fou mais en gardant l’aspect passionnant de ces matières d’historien… Je ne cache pas que je me suis fait plaisir et qu’il y a un grain de folie dans ce roman : ça m’a bien été utile pour réaliser ce challenge !

À quels lecteurs s’adresse votre ouvrage ?
Mon roman s’adresse à tous les passionnés d’aventures pour commencer. Il est facile d’accès et son environnement de science-fiction permet une forte souplesse en imagination. Mais ce n’est pas tout, pour être honnête, ce roman s’adresse à tous mes concitoyens en raison des questions qu’il soulève.
D’autre part, il s’adresse évidemment aux lecteurs de science-fiction: L’Empire des Mots peint un monde futuriste aux rites et mœurs adaptés à des contraintes d’un monde dérangeant : une dystopie. Nous ne le connaissons pas, mais ce monde n’est pas régi par des règles et technologies bien lointaines de notre histoire contemporaine : c’est en fait un objet de liberté littéraire !
Enfin et surtout devrais-je dire, le roman s’adresse aux curieux de politique et histoire. Ils trouveront dans son histoire une mise en perspective des concepts d’historiographie et épistémologie de l’histoire sous formes de personnages très archétypés. Une quête aristotélicienne, qui rappellera celle du Graal et la connaissance de soi, guide le fond du roman.

Quel message avez-vous voulu transmettre à travers ce livre ?
J’ai essayé de partager l’idée que l’histoire est la plus puissante arme politique de longue portée. Je pense que l’on sème une représentation du réel, notamment avec ses limites, lors de l’enseignement de l’histoire, à l’école. Cette histoire enseignée aux enfants engendre les limites du champ d’initiatives politiques dont seront dotés des adultes de demain. Ainsi, sur le long terme la stabilité d’un régime politique s’organise dans la construction non pas d’une mémoire commune, mais d’une représentation commune, qui peut parfois engendrer ou bien la cohésion nationale, ou bien la guerre civile. La vérité n’est pas, selon moi, une fin en soi.
Je souhaite donc passer le message du besoin de peindre ensemble cette représentation commune, fût-elle inventée ou sélectionnée de manière arbitraire – comme c’est déjà le cas – pour prévenir les risques de communautarismes.

Où puisez-vous votre inspiration ?
Je puise mon inspiration de mon environnement ! Vivant en Seine-Saint-Denis, le mélange des cultures et des classes sociales atteint un paroxysme déboussolant. Les ruines de béton et de rouille côtoient tentatives d’aménagement du territoire, sans toujours se soucier du seul point commun de tous les habitants : être déraciné et avoir besoin de raconter l’histoire de l’appropriation de l’environnement. Cantalien déraciné je me sens proche de Maliens, Congolais, Maghrébins, Russes, Chinois et Pakistanais qui ont besoin, comme moi, de poser leurs valises comme de raconter leur histoire et continuer à l’écrire, ici.
Ensuite Francis Fukuyama, Samuel Huntington et Karl Mmarx ont indéniablement eu une forte influence sur le questionnement de fond : la continuité ou la fin de l’histoire. Ces auteurs dont je ne partage pas les opinions politiques m’ont apporté une réaction, une indignation peut-être et une envie de voir plus grand. Non, selon moi, l’histoire ne peut pas s’arrêter ; non selon moi la mondialisation n’est pas un fin en soi, pas plus que le choc des civilisations.

Quels sont vos projets d’écriture pour l’avenir ?
Je suis actuellement en train d’écrire un polar, en dehors du champ de la science-fiction. Il sera orienté intrigue internationale. Je n’en dis pas plus pour le moment ce sera la surprise!

Un dernier mot pour les lecteurs ?
Un dernier mot pour L’Empire des Mots ! Le roman a été écrit pour susciter vos réactions, critiques, rejets ou adhésions. Quoi qu’il en soit il sera incomplet sans vos réactions, ce n’est qu’une graine semée qu’il vous doit de faire germer sous forme d’idées, voire de propositions. Mon rêve est celui de provoquer une démarche citoyenne partagée sur ce que l’on fait de cette matière première sous-exploitée: l’Histoire.
Joseph JOUBERT avait eu cette phrase « L’histoire est bonne à oublier, c’est pour cela qu’elle est bonne à savoir », j’aimerais que mes lecteurs décident de ce qui est bon à savoir et bon à omettre.