Les visages du vent

On n'a qu'une jeunesse qui finit sans qu'on sache : le jour où, se retournant, on juge le chemin avec trop de recul pour se croire innocent. On ne peut plus changer les traces de la vie, les choix qu'on a dû faire, qui se sont faits eux-mêmes, les souvenirs surtout qu'on ne veut ni trahir, ni croire suspendus à la merci de ceux qui y pensent encore. Alors on grave un peu, on musarde, on s'applique. Trop de joies et de peines pour les voir s'envoler. C'est un récit sans fard, familial, personnel : des êtres qui s'en vont et des morceaux de vie laissés dans des endroits, des objets, des images. Transmettre un peu de soi à tous ceux que l'on aime, mais s'effacer le plus pour donner la parole et rendre la présence à tant d'être chéris qui sont dans les mémoires, les photos, quelques films. Les remettre devant, sur la modeste scène qu'ils occupèrent un temps, trop court, forcément. Et revivre avec eux les instants fugitifs où l'on a dévoré des heures magnifiques car elles étaient si simples, si sincères et pudiques. Dire sa chance, ses bonheurs d'avoir été près d'eux, et ses larmes quand elles viennent.