Autour du livre

16 avril 2013
Posté par
AA Victoria

Le tabac devient-il tabou dans les livres ?

Deux députés PS et UMP envisageraient de revenir sur la loi Evin et de la durcir afin de l’étendre à la littérature. Zoom sur un débat qui suscite la polémique.

Sherlock_holmes_EdilivreLes enjeux de mesures « draconiennes »
La Loi Evin de janvier 1991 interdisait clairement de fumer dans les gares et de faire de la publicité pour le tabac. Révisée en 2011 dans le but d’exclure de ces mesures les œuvres artistiques et culturelles, elle se voit considérablement durcie en 2013. Deux députés, qui la jugent trop laxiste, ont prévu, suite à une pétition signée par 4 500 écrivains et acteurs de l’édition, de la compléter ou de l’améliorer.

Il s’agit de David Fischer, représentant du PS, et de Bernard de Pigeac, médiateur UMP, qui ont enterré, un temps, la hache de guerre, dans le but d’étendre cette loi au domaine du livre. Selon eux, le lecteur, déjà exposé à la tentation du tabac (la lecture favorisant la position d’immobilité), voit ses tentations doubler lorsque l’ouvrage l’incite clairement à adopter de tels comportements. Ces derniers prétendent ainsi interdire les couvertures d’ouvrages prônant explicitement le tabac, et attaquer (en diffamation) des œuvres telles que Rien ne s’oppose à la nuit de Delphine de Vigan ou encore Poésies de Michel Houellebecq dont les couvertures représentent des personnages munis d’une cigarette.
Pigeac reste cependant lucide sur la situation, réalisant la difficulté de censurer, du jour au lendemain, des classiques, des biographies, et des autres récits historiques tous les artifices tabagistes. En effet, cette volonté de « moraliser » la littérature ne semble-t-elle pas un peu utopique ?

Zoom sur quelques fumeurs de fiction
Cette polémique avait déjà été suscitée lors de la sortie du film Coco avant Chanel d’Anne Fontaine, datant de 2010. L’affiche de ce long-métrage montrait Audrey Tautou, assise de face, en plan moyen, et détenant fièrement une cigarette. En littérature, nombreux sont les personnages représentés en train de fumer. L’héroïne de la saga Millenium, du défunt Stieg Larsson, apparaît notamment sur la couverture de La Fille qui rêvait d’un bidon d’essence et d’une allumette une cigarette à la bouche. Dans la bande dessinée, le Capitaine Haddock, célèbre héros des aventures de Tintin, figure souvent avec une pipe, dans son château de Moulinsart.

Le plus célèbre fumeur de la littérature occidentale reste toutefois le détective Sherlock Holmes qui se définit lui-même comme un « intoxiqué du tabac ».Delphine_Vigan_Edilivre
Consommant à la fois des cigarettes, des cigares, il affectionne particulièrement les pipes dont l’usage dépend de son humeur. Mais, outre les personnages de fiction, nombre d’écrivains ont façonné leur légende autour du tabac. Ainsi, des hommes de lettres tels que Charles Baudelaire et Oscar Wilde, grands consommateurs d’opium, étaient souvent représentés, une cigarette à la main tandis que des auteurs contemporains revendiquent clairement cette attitude. Dans La Carte et le territoire, Michel Houellebecq affirme : « J’ai besoin d’une cigarette, je n’arrive pas à penser sans tabac. »

En tant qu’écrivain, pensez-vous que l’on puisse « moraliser » la littérature ?

Article écrit avec la participation de Camille