Tous les 2e mercredi du mois

Écrire une histoire d’amour sans être guimauve

 

« Oh, mon bon et doux prince, que serais-je devenue sans votre secours, mon preux chevalier ! Mon cœur est dès à présent vôtre, je me pâme d’amour pour vous, mon héros… et blablabla, blablabla ! »
Pfff, ces nian-nianteries qui noient les lecteurs dans des romans à l’eau de rose au goût de déjà-vu, trop fleur bleue ou autres couleurs de l’arc-en-ciel, ne font vraiment pas rêver, car on connaît la fin avant même d’avoir tourné les cent dernières pages (sur cent une…) du livre que l’on trouve, à force, bien ennuyeux.
Non, on veut du rebondissement, être étonné, vivre intensément tous les instants qui forgent l’amour qui n’est pas toujours présent au premier regard.
Ben oui, Cupidon, après une soirée peut-être un peu trop arrosée, par moments, ne fait pas preuve d’une très grande prouesse dans l’art de manier son arc, la flèche ne faisant pas toujours mouche.

Alors, un conseil : in-no-vez !

Histoire d'Amour
 
Contexte de l’histoire
Amour sucré

Comme tout roman, il existe une trame dans laquelle les personnages évoluent. Il faut donc tout d’abord en donner une esquisse.
Les protagonistes, tout au long de l’histoire, vont se dévoiler, leurs sentiments avec, avec parcimonie et finesse. Évitez de prendre exemple sur les Arlequin de votre mère ou grand-mère, dans lesquels on trouve, entre autres, Samantha ; cette jeune héritière aux cheveux auburn, le corps élancé cintré dans un tailleur Lagerfeld, les talons aiguilles, qui, alors qu’elle se rendait prestement dans son bureau au dernier étage du luxueux bâtiment donnant sur Central Park, tombe dans les bras de Mike, ce beau ténébreux à la denture d’une blancheur étincelante, aux yeux vert émeraude, grand, svelte, riche avocat émérite…
Stop ! On arrête les personnages surfaits ! La femme sans défaut aucun et le type moult fois décrit tel un apollon, c’est bien trop cliché et rébarbatif !
Non, non, soyez plus inventif, que diable ! La perfection n’est pas de ce monde, donc, si vous voulez que le lecteur se mette dans la peau des protagonistes sans les détester, tant la jalousie l’étouffe, créez-leur des défauts.
La jeune femme peut avoir un caractère si bien trempé qu’aucun ne s’avise à vouloir la séduire. Et puis, cet homme mal fagoté préfère certainement le silence de son chalet à ce moulin à paroles qui l’importune. On peut aussi évincer, quitte à dézinguer le mythe du sexe fort, le preux chevalier pour laisser place à une nana, militaire de carrière, qui vient au secours de ce petit comptable invisible aux yeux de la gent féminine, malmené par des sbires qui en veulent à sa trottinette électrique dernier cri.

Pourquoi pas aussi faire intervenir un gus dans la vie du couple Tartempion, au sortir de la messe dominicale, dont monsieur s’éprend à force de le côtoyer.
Bref, tout est permis… tant que cela reste cohérent.

 
Et les sentiments dans tout ça ?
Cupidon

N’oubliez pas, tout de même, de mettre en avant les sentiments naissants, ou mourants (madame Tartempion ne voudra peut-être plus être cocufiée par son mari d’une manière pas très conventionnelle, selon sa religion). Cela reste une histoire d’amour, une histoire dans laquelle un couple se forme tout au long du récit, où d’autres personnages interfèrent, les éloignant ou les rapprochant. Des émotions en tous genres nourrissent leurs sentiments de haine ou de passion, selon la situation. Mais aussi, peut-être qu’une seule des deux personnes éprouve des sentiments pour l’autre ? Se vivra alors un amour unilatéral sur lequel toute la trame se créera.
À ce sujet, ceux-ci ne sonneront vrais que s’ils ont déjà été vécus, non pas au travers des livres aux effluves de naphtaline des armoires de votre grand-mère, mais d’après vos propres expériences. Ainsi, vous aurez plus de facilités à les décrire. Qui n’a pas connu des déceptions, des camouflets de la part d’un collègue ou d’une étudiante de sa promotion, qui n’aura d’yeux que pour l’ami(e) d’à côté ? Qui n’a pas eu un coup d’assommoir, le palpitant en rébellion, en croisant le regard de celui ou celle qui subira les mêmes ravages (Cupidon aura été en meilleure forme, ce jour-là) ? Bref, votre vie et celle de ceux qui vous entourent sont un puits sans fond d’anecdotes, plus ou moins heureuses, qui pourront assaisonner votre récit. Aussi, les films ou livres que vous aurez vus ou lus, certainement, vous inspireront-ils ?

Mais alors, comment décrire ces sentiments ? Eh bien, d’après le lectorat que vous visez. Vous ne toucherez pas les mêmes personnes selon l’écriture que vous aurez choisie. Vous aurez peut-être une approche à la Bridget Jones, où la comédie a véritablement sa place ; peut-être serez-vous tenté de vous essayer, qui sait, au style plus érotique, du genre inspiré par le marquis de Sade, par exemple ; ou bien serez-vous plus classique, voire dramatique, et dans ce cas-là, le Roméo des temps modernes chantera une ultime sérénade à sa Juliette. Bref, il faudra que vous définissiez le thème dans lequel vous vous sentirez le plus à l’aise pour bien exprimer les sentiments qui se meuvent au fur et à mesure de l’histoire.

Évitez de les laisser s’embrasser à chaque fin de page, permettez-leur de respirer un peu, quand même. Donnez de l’échange à vos personnages sans tomber dans les niaiseries comme des « je t’aime » qui essaiment le livre à tout bout de champ. De l’inventivité dans l’expression de leurs sentiments, je vous prie ! Ne tombez pas dans les clichés trop faciles et surtout qui ont un goût de réchauffé.

 
Du suspense !

Il faut garder du suspense pour ne pas exaspérer le lecteur en soif de renouveau, qui se lasserait bien trop vite au point d’oublier le bouquin dans un parc, à la merci des pigeons. Si, dès le premier regard, nos deux tourtereaux vivent le parfait amour pour finir avec une ribambelle de marmots, eh bien, assurément, vous perdrez définitivement son attention.

Laissez naître les sentiments, même s’ils ne vont pas toujours dans le sens attendu. Vos personnages peuvent tout aussi bien se détester ; ainsi, ce banquier sans scrupule se sera approprié une partie de la fortune de la baronne, aux armoiries bien ternies après s’être bassement vengée en brûlant la superbe Lamborghini dans laquelle il aimait tant se pavaner.
On peut aussi faire appel au syndrome de Stockholm en imaginant une prisonnière, enlevée par la junte colombienne, tombant follement amoureuse de sa geôlière à la mine patibulaire.
Et puis, revenons à madame Tartempion : elle pourrait bien s’éprendre à son tour de l’amant de son mari, qui sait ?
Ouh là, là, quel vaudeville vit-on !
Et notre petit gars chétif qui s’amourache de la soldate qui n’a que faire de ce gringalet, mais qui prend du plaisir avec lui le temps de sa permission… pas joli, joli, tout ça !

Coup de foudre

 
Un happy end ?

Oui, il est vrai que c’est ce qu’attend notre lecteur avide de ces fins heureuses. C’est bien souvent le cas, d’ailleurs. Pour preuve, les personnages, pourtant opposés en bien des domaines, se trouvent des points communs qui les attirent inexorablement l’un à l’autre. Ce vieil ours mal léché des montagnes recouvrera-t-il goût à la sociabilité à force de subir le caquetage incessant de cette femme volubile ?

Et qu’en est-il de notre soldate en fin de permission ? Oubliera-t-elle ce malheureux amoureux transi, qui s’évertue à faire de grands gestes désespérés, tel un pantin désarticulé, sur le quai, pour converser avec son beau gosse de voisin de compartiment, ma foi, pas mal du tout dans son costume qui laisse imaginer des muscles saillants… ?

Bon euh… Où en étions-nous, déjà ? Ah oui ! Peut-être, au contraire, prise dans son propre jeu, descendra-t-elle du train en marche, quitte à se rétamer lamentablement, pour retrouver le petit gars insipide qui aura, en fin de compte, volé son cœur.
Et ne serait-ce pas notre belle prisonnière qui est en train de s’enfuir au bras de son ex-geôlière, dorénavant amante ?

Happy-end
Et que va-t-il se passer du côté des Tartempion and Co ? C’est vous qui tenez les ficelles de votre récit, c’est à vous d’imaginer la fin.

 
En conclusion…

Une histoire d’amour peut être abordée de différentes façons : en unissant par exemple un homme avec un homme, ou un homme, anciennement femme, avec une femme…
Bref, les possibilités sont nombreuses. Vous seul choisirez celle qui vous conviendra le mieux. En tout état de cause, les sentiments sont le point névralgique de votre ouvrage. Ce sont eux qui dirigeront vos protagonistes.

Ne tombez toutefois pas dans les clichés, jouez de votre imagination que l’on sait débordante. Amusez-vous avec vos personnages, donnez-leur un rôle à la mesure de leur caractère et de la situation du moment. Choisissez bien l’environnement dans lequel ils vont évoluer pour une réelle cohérence. Faites bien attention à la période que vous aurez choisie pour ne pas faire copain-copain avec les anachronismes.

Bref, dès lors que votre lecteur se prendra à partager les sentiments de vos personnages, c’est que vous aurez gagné votre pari fou d’écrire une histoire d’amour, et sans niaiseries, s’il vous plaît !

 


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