Tous les 2e mercredi du mois

Comment écrire une histoire d’horreur ?


« Sentiment d’angoisse éprouvé en présence ou à la pensée d’un danger, réel ou supposé, d’une menace… »
Voilà ce que le Larousse nous donne comme définition sur la peur.
Dans la lecture aussi, on peut donner ce sentiment d’insécurité, d’effroi, de tension… D’ailleurs, c’est cette tension qui pousse le lecteur à tourner les pages afin d’en connaître le dénouement, le palpitant prêt à sortir de son étui.
Inspirez-vous de vos peurs, de vos angoisses : le bruit de pas sur les graviers, une ombre qui laisse supposer une présence, un raclement, un grincement de porte en fer qui a un sérieux besoin d’être graissée…

Bref, tous ces petits moments de plaisir qui vous font transpirer malgré les 12 degrés qui culminent dans le salon (ben oui, la chaudière est tombée en panne).

Horreur
 
Plantez le décor :
Décor lugubre

Pour bien commencer, il faut imaginer le lieu où se situe l’histoire. Il doit ramener le lecteur dans un contexte lugubre, qui fait naître en lui une angoisse, un malaise.
Prenons pour exemple cette petite scène : La nuit est éclairée par une lune laiteuse, le vent souffle sa colère dans les branchages dénudés de tout apparat. Un froid hivernal entoure de son brouillard épais la campagne environnante qui laisse échapper le hululement lugubre d’une chouette solitaire. Devant l’église en ruine, le cimetière, laissé à l’abandon après la destruction du village lors de la Grande Guerre, est plongé dans un silence de mort (osé-je dire !)…
Bref, c’est tout de même plus probant que de mettre en scène des personnages en train de faire leurs courses dans un centre commercial surchargé d’acheteurs compulsifs !
Essayez de penser à vos propres peurs, à des événements qui pourraient vous en faire perdre votre latin (si vous l’avez déjà trouvé un jour).

L’intervention de notre méchant et sa victime :

Tout d’abord, parlons de cet être malfaisant. S’il ne s’agit pas d’un Dracula sur le retour ou d’un revenant qui a perdu son chemin de l’au-delà, imaginons que cet affreux personnage se soit évadé d’un asile psychiatrique ou d’une prison ultra-sécurisée. La démence, la psychose, la paranoïa, la schizophrénie… enfin toutes ces petites folies sympathiques qui lui donnent ce côté démoniaque seront le fil conducteur de ses exactions. Mais pourquoi agit-il ainsi ? Il faudrait peut-être ajouter comme leitmotiv la jalousie, la vengeance, l’exclusion, la haine et tant d’autres petits péchés avérés.

Et la victime alors ? D’ailleurs, pourquoi « la » ? Ce peut aussi être un groupe d’amis ou de vacanciers égarés dans cette campagne pas très accueillante. Pourquoi se sont-ils aventurés dans ce lieu particulier ? Que peuvent-ils ressentir face à cette église délabrée surplombant un cimetière aux tombes partiellement éventrées ? Qu’est-ce qui fait que notre méchant leur cherche des poux ? Qu’est-ce qui les pousse à ouvrir cette porte derrière laquelle, ils en sont certains, quelque chose de terrible est en train de se passer ?

Mais la victime ? Est-elle vraiment victime ?
« Je suis l’ombre. Je suis la proie. Je suis le tueur. Je suis la cible. Pour m’en sortir, une seule option : fuir l’autre. Mais si l’autre est moi-même ?… » Tel est le résumé de Passager de Jean-Christophe Grangé, où le personnage principal se perd dans un passé aux multiples facettes. Bel exemple qui donne une approche tout à fait différente du rôle de la victime et du bourreau, l’un pouvant bien être l’autre, qui sait ? Il est intéressant de jouer sur le psychisme du personnage pour jouer sur les nerfs du lecteur, mis à mal par tant de pirouettes, de potentiels coupables ou d’éventuelles victimes. Il est si bon de voir ce dernier se noyer au milieu de personnages plus ou moins équilibrés, où la raison se mêle à la folie. Et pas de bouée de sauvetage vendue avec le livre, quelle poisse !

Le cauchemar des personnages doit devenir celui du lecteur. Leur angoisse doit le mettre en transe. Leurs cris doivent lui strier les tympans… Bref, la lecture doit lui donner des sueurs froides et lui provoquer des insomnies, il doit vivre cette tension au point de se sentir lui-même poursuivi, ou épié, ou torturé…

L’élément déclencheur :

Maintenant que le décor est planté, que nos personnages ont trouvé leur place, surgit alors un événement perturbateur plongeant nos victimes dans le pire cauchemar, happant au passage notre lecteur qui, à l’origine, était en mal de sensation… Un de nos vacanciers manque à l’appel. Dans l’église glaciale, un souffle chaud passe sur les visages déformés par la terreur. Un chuchotement se fait entendre dans le confessionnal… Enfin, ces moments de tension ne manquent pas.

Peur

Donnez du temps au temps :

Le temps peut donner un rythme bien particulier à l’histoire, lui conférant un sentiment d’angoisse supplémentaire. Il est judicieux d’alterner les moments de tension extrême avec des passages plus calmes durant lesquels le lecteur reprendra son souffle avant de se replonger dans les abîmes de l’inconnu.

Temps de l'angoisse
Le jour va bientôt poindre, moment où notre méchant intervient régulièrement. Le sablier est retourné, la victime vit certainement ses dernières heures.
Imaginez une pièce sombre aux murs défraîchis où seul le tic-tac de la comtoise brise le silence pesant sur les épaules de ce pauvre personnage effrayé par cette atmosphère mystérieuse, voire oppressante.
L’heure approchant, l’horloge arrête de rythmer le temps pour laisser place à des bruits de pas…

Ben, je ne voudrais pas être à sa place ! La terreur ressentie à cet instant doit donner à nos veines l’apparence d’un Mister Freeze.

Une fin heureuse… ou malheureuse :

Le moment de la résolution est proche. Mais quelle fin voulez-vous donner ?
Votre personnage principal aura-t-il fait face aux péripéties avec succès ou alors sera-t-il vaincu par ce schizophrène en puissance qui lui aura pourri l’existence durant toute l’histoire ?
Ou bien aura-t-il gagné la première bataille ?…
Une suite n’étant pas exclue ! Une simple phrase peut aussi mener le lecteur dans le doute, alors que le personnage principal est certain d’en avoir fini avec le monstre. « Alors qu’il referme la porte de l’église, une ombre s’efface derrière l’autel… »

Pour conclure :

Pour réussir votre écrit, n’oubliez pas les ingrédients principaux : un contexte où suinte l’angoisse, le temps qui s’écoule inexorablement, la rencontre des protagonistes, le fil conducteur de votre intrigue. Le lecteur doit pouvoir vivre toutes les émotions fortes, tant la peur que la surprise, la pitié, l’horreur, la violence…
« La description commence dans l’imagination de l’écrivain, mais devrait se terminer dans celle du lecteur », a dit Stephen King.
Alors, à votre plume… ou clavier (vivons notre temps, que diable !).