Tous les 2e mercredi du mois

Comment écrire le destin de votre personnage ?

 

Votre héros, assoiffé, est au beau milieu du désert, où seule son ombre lui tient compagnie, et là, ô miracle, un glacier se présente à lui avec son triporteur et ses cent parfums… Ou bien, imaginez-le sortant de son bain : alors attaqué par une bande de balafrés surarmés, il extirpe son attirail de combat de dessous sa serviette de bain et les rectifie sans faire un pli sur cette dernière. Improbable, hein ! Dans ce cas-là, votre première attitude sera de souffler d’exaspération, puis d’aller vous préparer un thé pour y noyer votre ennui. Vous reviendrez plus tard… ou peut-être plus du tout.

Bien évidemment, évitez aussi de jouer les apprentis Zola en donnant d’infinies descriptions hachées de dialogues fades où il ne se passe rien, ou du moins, rien d’assez palpitant pour distraire votre lecteur qui bâille à s’en décrocher la mâchoire. Il n’a vraiment que faire de la liste de courses de notre protagoniste ou de la diatribe lancée entre lui et son voisin sur le temps qu’il fera demain.

Comment faire alors pour écrire un récit excitant et cohérent à la fois ? Comment tenir le lecteur en haleine, le transporter dans un monde imaginé par votre esprit créatif sans qu’il ait le sentiment d’être mené en bateau ?

Il faut tout d’abord imaginer des situations à partir du personnage. Alors, soyez prêt à construire le destin de votre héros à grands coups de questions. En y répondant, vous vous assurerez de fournir à votre lectorat une intrigue de qualité ! Non, non, ne me remerciez pas pour ce précieux conseil… tout au moins, pas encore !

Destin du personage
 
1 – Que veut votre personnage ?

C’est le point névralgique de votre récit. Votre personnage est, comme tout un chacun, motivé par la réussite de son entreprise, quelle qu’elle soit. Il vous reste à définir ce qui détermine les choix qu’il fera.
Prenons pour exemples un croque-mort qui rêve d’être clown ou un otage qui veut s’enfuir d’une prison.

 
2 – Pourquoi ?
Transformation

Pour construire votre personnage de façon cohérente, créez-lui un passé pour donner une valeur à sa motivation. En général, la somme des événements de notre existence et de nos traits de caractère définit notre trajectoire. Quels événements marquants ont façonné ses rêves ? Pourquoi ce but lui tient-il à cœur, quelle est sa motivation profonde ?

Notre croque-mort s’ennuie dans son travail. Ses clients étant tellement peu réceptifs à ses blagues et ses mimiques, avouez que l’ambiance alentour ne lui permet pas trop d’expérimenter son humour… Quant à notre otage, à force de ruminer dans sa prison, il commence à sérieusement vouloir se dégourdir les jambes avant de prendre la poudre d’escampette.

On est d’accord : tous les conflits internes n’ont pas la même urgence ! Mais ils peuvent tous être à l’origine d’histoires passionnantes.

 
3 – Qu’est-ce qui l’en empêche ?

Pourquoi notre croque-mort n’est-il pas au sommet de sa gloire ? Les raisons sont multiples : ça peut venir de sa timidité maladive, de contraintes extérieures imposées par ses parents psychorigides qui veulent lui léguer l’entreprise familiale…

En effet, rien de plus frustrant qu’un personnage qui stagne dans sa vie alors que la voie à prendre est éclairée telle une autoroute belge (que choisir entre passer son temps auprès de visages impassibles et faire rire une ribambelle de gamins ?). Bien sûr, votre personnage peut se tromper et échouer, il le saura alors après s’être confronté à de multiples embûches.

Ainsi, notre croque-mort charismatique a un besoin profond de se défouler, d’éclater d’un rire tonitruant, de voir les enfants s’égosiller devant ses facéties, mais le visage cireux de son père, qui a oublié de récupérer son sourire dans le tiroir, lui revient en tête tel un boomerang. L’otage… ben, c’est un otage, donc, par définition, il ne fait pas ce qu’il veut ; bien que son esprit soit libre d’élaborer des plans d’évasion.

 
4 – Est-ce qu’il parviendra à son objectif ?
Le rendra-t-il heureux ?

C’est là que ça commence à devenir croustillant. Notre héros arrive à un point d’intersection qui le mènera soit à un « happy end », soit à réaliser une « maxi-boulette irrécupérable » ; à vous de lui servir de GPS. Si tout se passe bien pour lui, l’otage échappera à la surveillance du gorille qui lui sert de gardien, profitant du fait que ce dernier ait une envie pressante au point d’oublier de fermer la porte de la cellule. Quant à notre pauvre croque-mort, il peut se voir dans l’obligation de remiser son nez rouge parce que définitivement sous le joug de ses parents mortels d’ennui.

Mais les ambitions de nos personnages ne correspondent peut-être pas à celles que le destin (enfin, vous…) a bien voulu leur donner. Ainsi, ils se perdent dans les méandres des possibilités. On peut parfaitement imaginer que notre croque-mort quitte ses clients pour suivre des cours de comédie, mais qu’en fin de compte, leur inexpressivité lui manque. Pourtant, il a réussi ses examens ! M’enfin, il s’est certainement trompé d’objectif… Alors, retour à la case départ. Peut-être allez-vous lui donner un nouveau souffle qui l’incitera à définitivement quitter l’entreprise familiale pour suivre une autre voie ? Si votre but est de faire réfléchir sur le caractère insondable de l’âme humaine, laissons notre futur ex-clown face à son insatisfaction. Si, au contraire, vous voulez montrer à votre lecteur que le bonheur se trouve là où on l’attend le moins, quittons notre otage en pleine partie d’échecs avec son gorille revenu de son lieu d’aisances. Cela dépendra du message que vous voulez transmettre !

 
Pour conclure

Écrivez un thriller délirant, enchaînez les péripéties, mitraillez votre lecteur de surprises, mais assurez-vous de garantir une cohérence avec leur psychologie pour donner du sens et de la profondeur à votre chef-d’œuvre. Ne faites pas courir votre otage comme un dératé alors qu’il loge gracieusement une balle dans la jambe droite ; ou bien oubliez de faire rire le père de notre pauvre croque-mort, il n’est vraiment pas près de perdre l’expression figée qui le caractérise tant.

Quittons-nous sur ces belles paroles… jusqu’au mois prochain !

« Le personnage de roman, lui, ira jusqu’au maximum de lui-même et mon rôle à moi, romancier, est de le mettre dans une situation telle qu’il y soit forcé. C’est facile, vous voyez. Et il n’est pas besoin de trouver une histoire. Simplement, des hommes, des êtres humains dans leur cadre, dans leur ambiance. Le petit coup de pouce qui les met en marche ». (Georges Simenon, L’Âge du roman).

 

 

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