C'est ça le soleil ?

.« Ça devait être à peu près à l’époque où le second est né.
Oui, à peu près à ce moment, que Saïd jugea préférable de mettre quelques centaines de kilomètres de désert de pierrailles et de sacs en plastique, poussés en rangs serrés par le vent, entre ses préjugés et ses aspirations. Après tout, il n’était peut-être pas le seul à imaginer qu’il pouvait rester utile à quelqu’un.
Après ce qu’il lui était arrivé, il lui avait paru sain de migrer vers le sud, aussi loin que le lui permettaient la frontière et les limites du monde vivable. Vers des lieux moins poussiéreux, plus intimes, et où, malgré tout, il pourrait servir à quelque chose. Il ne parlait même pas d’efficacité. C’est d’une dette dont il avait à s’acquitter. Personne ne lui faisait de reproches. Mais des années après, il avait encore dans la tête les hurlements de l’enfant qui hantaient certaines de ses nuits, et lui faisaient porter les mains aux oreilles pour ne plus les entendre. En vain. »

Dans la fratrie d’Abdeslam, au pied de l’Atlas, la normalité est de naître lourdement handicapé. Le gamin n’échappe pas à la règle et est élevé comme ses frères dans une symbiose garante de sa survie, jusqu’au jour où le destin lui fait croiser Catherine, jeune médecin en mission humanitaire. Celle-ci, remarquant une attitude bizarre, va lui révéler qu’il est presque normal, et ainsi faire basculer, d’un jour à l’autre, sa vie dans un enfer. En lui révélant les couleurs, elle le condamne. Rejeté par les siens, trainant sa solitude dans les venelles de son village à la recherche d’amitiés ou au moins d’occupation, il partage avec Catherine, salvatrice qui a gâché sa vie en croyant faire le bien, une relation ambigüe faite de reconnaissance et de ressentiment.
Cette histoire basée sur des personnages et des faits réels, en particulier l’adolescent, est le fruit de plusieurs missions médicales réalisées par l’auteur, chirurgien ORL retraité, dans le sud marocain. Celui-ci promène un regard affectueux et tendre sur la vie de ce jeune garçon paumé dans son microcosme bigarré et écrasé sous le soleil, et sur une galerie de personnages plus attachants les uns que les autres. Il porte sur ses truculentes rencontres, un œil amusé, et un regard grave et compatissant lorsque l’aventure tournera mal.