Interview écrite

21 mars 2016
Posté par
Guillaume

Rencontre avec KIM Young, auteure de «Les Innommables»

Dans quel pays habitez-vous ?
J’habite en Corée du Sud.

Présentez-nous votre ouvrage.
Frédéric rencontre Channie. Lui est français, elle, coréenne. Ils veulent s’évader de leur souffrance mais parcourent d’un même élan des milliers de kilomètres de douleurs… Ceci est une histoire d’amour mais si, comme l’a écrit Flaubert, « l’amour, après tout, n’est qu’une curiosité supérieure, un appétit de l’inconnu qui vous pousse dans l’orage, poitrine ouverte et tête en avant », alors Channie et Frédéric sont les héros ordinaires de cette échappée sans retour vers des orages grandioses. Parfois cependant, les histoires d’amour passent en arrière-plan, derrière le cyclone de l’instantanéité. De la Corée du Sud jusqu’à la France, Channie et Frédéric ont entamé cet étrange voyage sans destination.

Pourquoi avoir écrit ce livre ?
Sans avoir conscience d’écrire un roman, je me réjouissais de suivre un courant libre, de vivre pleinement la liberté de mon esprit et de mon cœur.  Libérée des expressions soignées, libérée même de la morale et de l’idéologie, je me suis vidée tout tranquillement. J’ai laissé fuir mes sensations, mes sentiments, mes perceptions et mes contemplations. Ce courant libre m’a transporté dans le tourbillon de sa sidérante beauté, d’autant plus forte que je m’y perdais toute entière. Il s’agit de se donner pour rien, sans considération d’intérêt. C’est simplement un geste naturel, tout naturel, cela va sans dire, cela va de soi. C’est la liberté pure ?  La dissonance entre la langue française et ma langue maternelle, par-delà le déséquilibre psychique qui peut pousser à la folie et au vertige , a fini par dévoiler des aspects chez moi jusqu’alors inconnus, inaperçus, en un mot : innommables.

Par exemple, entre Frédéric et Channie, la compréhension ne se fait pas par leur connaissance de langue française, mais par le partage de leur mutisme, par leur croyance indéfinissable, innommable.

À quel lecteur s’adresse votre ouvrage ?
L’auteur devrait être capable de faire pénétrer le lecteur « à l’intérieur » de son histoire, qu’elle soit réelle ou de fiction. Le lecteur s’identifie énormément. D’abord, le lecteur s’identifie plus ou moins aux personnages et particulièrement au héros. Il les habite de l’intérieur.  Le lecteur est pris par une suite d’événements qu’il est amené à vivre de manière accélérée, avec rebondissements et coups de théâtre palpitants.

On peut noter que Stendhal ou Balzac , pas d’excellents stylistes, ils emportent la conviction du lecteur, c’est-à-dire, de le faire pénétrer dans leur monde romanesque et de lui  dévoiler des aspects profonds de la condition humaine.

Ainsi en combinant ces choses, l’auteur doit créer  « une structure d’attente dans laquelle le lecteur pourra facilement s’investir. Comme disait Umberto Eco,  l’auteur devrait  s’arranger pour placer son lecteur non pas en lisière mais au centre de son œuvre .

Quel message avez-vous voulu transmettre à travers ce livre ?
La création romanesque était pour moi  une sorte d’exploration pour écouter les échos, les cris et les discours interminables qui pourraient finir par déceler les bêtises humaines. Tout le monde fait la bêtise et moi aussi.  Dans mon roman, on peut écouter et sentir quelques murmures ou bien quelques regrets, quelques musiques et quelques flèches qui sont lancées vers ces bêtises humaines, mais d’un autre côté, il y a les hommes qui sont trop habiles à cacher leur bêtises qui finissent par les découvrir ou par les faire encore plus bêtes, moyennant la puissance ultra moderne et scientifique, au nom de la défense pour les humains, ou bien au nom de la fausse liberté…J’espère que mon roman pourrait être entouré d’une aura innommable qui pourrait exhaler la forte puissance pour stériliser les bêtises humaines comme la guerre.

Où puisez-vous votre inspiration ?
La coalescence de Thanatos et Vie, la compréhension du freudisme a inspiré les innommables : la pulsion de la mort avec le sang que Channie a avalé et la patte de confiture que Frédéric a mangé. Ils n’ont jamais été libres de ces choses. Pour eux, c’est une forme de mutisme qui s’incarne dans la nourriture qui les fait grandir physiquement, autant qu’elle fait grandir l’horreur en eux, à moins que ce ne soit déjà une conscience de leur culpabilité.

Channie est prise toute sa vie, vis-à-vis à d’elle-même déjà, d’une culpabilité secrète(le sang avalé). Frédéric se sent coupable de l’explosion de la bombe et  de la patte de confiture : coupable vis-à-vis de Mathieu et Kathieu. Toute leur vie, leur conscience de culpabilité est devenue une des raisons de leur existence.

A part tout ça,  ma vie en France a commencé dans l’affolement de la langue française et de sentiments, de la confusions des sentiments et des émotions. Ces dernières étaient bloquées comme en état de gel, et donc tout blanc. Pourtant, toute cette froideur, toute cette glaciation,  a commencé  à me réveiller, à me rappeler à un état de lucidité.

Quels sont vos projets d’écriture pour l’avenir ?
Mon projet d’écriture pour l’avenir, c’est de continuer le parcours anonyme que j’ai arrêté, mais  ce serra sous une autre forme.

Un dernier mot pour les lecteurs ?
Dans le monde romanesque, on peut se ressentir que l’impossible devient possible.

Si les lecteurs peuvent se plonger dans la lecture, c’st un geste naturel, tout naturel qui serrait rien d’autre que la liberté pure,  et cette liberté pure vous inviterait à ce bal de rêves !