Interview écrite

24 décembre 2014
Posté par
Flora

Rencontre avec Diego Arrabal, auteur de « L’énigme de la rue des Brice »

Diego_Arrabal_EdilivrePrésentez-nous votre ouvrage en quelques mots ?
Il s’agit de la troisième enquête du commissaire Ney, patron de la brigade criminelle de la PJ de Nancy. En 1997, la découverte d’une famille assassinée conduit la majorité des enquêteurs et le parquet à déclarer le père coupable, surtout qu’il est introuvable depuis les faits. Pour le commissaire Ney cette culpabilité devient de moins en moins évidente à mesure qu’il découvre des épisodes de la vie du père. Mais faute de retrouver le suspect, l’affaire est suspendue. En plein cœur de la canicule de 2003 la découverte d’un cadavre mutilé va décider Ney à ré ouvrir l’enquête. Bien entendu 6 ans après les faits les pistes sont ténues, mais l’intuition du commissaire et sa culture lui donneront un coup de pouce.

Pourquoi avoir écrit un roman policier ?
D’abord, parce qu’il s’agit d’une forme qui m’est familière, et qu’elle permet de traiter de façon détournée des questions sociétales importantes. Ensuite, il y a une grande similitude entre la démarche du chercheur que je suis et celle du policier. Dans les deux cas il s’agit de résoudre une question inconnue, en utilisant une démarche rigoureuse. Cependant, dans l’un et l’autre cas il est nécessaire aussi de poser des hypothèses plus intuitives, moins évidentes. Enfin, il s’agit d’un travail en équipe, où chaque membre a son importance. Écrire des romans policiers est peut-être aussi ma façon de donner à voir le travail des chercheurs.

Êtes-vous vous-même un grand lecteur de roman policier ?
Oui, je suis grand lecteur en général, notamment pour des raisons professionnelles, et de romans policiers en particulier. Ce qui m’intéresse dans le roman policier c’est à la fois la dimension sociale qu’il aborde (même lorsqu’il s’agit de romans se situant à des époques reculées : J.F. Parot, P. Doherty ou E. Peter) et les questions qu’il pose sur la nature humaine. Parmi les auteurs que je lis, H. Mankel et A. Indridason m’intéressent particulièrement, parce qu’ils développent bien le fait qu’une enquête policière est un travail de groupe, minutieux et ingrat.

Le commissaire Ney va-t-il mener d’autres enquêtes ?
Je l’espère. Je viens de prendre ma retraite de l’université, mais le commissaire reste au travail, lui. Plus sérieusement, « L’énigme de la rue des Brice » est sa troisième enquête, et nombre de mes lecteurs s’impatientent d’en lire de nouvelles. J’ai plusieurs projets, dont un bien lancé. J’ai commencé à noircir quelques pages tout en me lançant dans le gros travail de documentation que requiert un polar qui s’ancre dans une réalité sociale. Peut-être sortira-t-il à l’été prochain ? Juste un indice, il se déroulera à l’étranger.

A quel lecteur s’adresse votre ouvrage ?
Question difficile. Je pense aux lecteurs comme à des amis, j’essaye de les distraire tout en gardant leur esprit en action. Mes lecteurs sont, je l’espère, comme moi des gens qui ont oublié de grandir et que les jeux de piste émerveillent encore. Mais, oublier de grandir ne signifie pas avoir perdu le sens de l’indignation et de la révolte, bien au contraire.

Quel message avez-vous voulu transmettre à travers votre ouvrage ?
Je n’écris pas de la fiction pour porter un message, cela serait insupportablement lourd, illisible pour la majorité de mes lecteurs. C’est toute la différence entre mes écrits scientifiques, qui ont cette fonction (mais qui s’adressent à des personnes ayant les mêmes préoccupations et habitudes de lecture professionnelle), et mes romans. Dans ces derniers, le message se construit à travers l’histoire. Il ne la précède pas, disons que le message c’est ce qui trame l’intrigue et la rend réaliste. Dans L’énigme de la rue des Brice, ma préoccupation tournait autour de deux choses : l’apparence (les choses ne sont pas ce que l’on croit/voit – je suis fidèle en ça à G. Bachelard – ) et l’aveuglement passionnel (nos sentiments, nos souvenirs, nos projections peuvent être de mauvais guides).

Où puisez-vous votre inspiration ?
Ici, il s’agit d’un fait divers tragique, à partir duquel j’ai construit un scénario improbable. Ce qui m’a guidé c’est l’exploration des moyens de piéger un homme. Pour mon précédent roman « À quoi rêvent les chats lorsque le printemps tarde », c’est le désarroi d’amis éleveurs de Maine Coon découvrant que leurs chats étaient porteurs d’une grave maladie génétique, très répandue dans les élevages, et qui étaient révoltés que d’autres éleveurs continuent à faire naître et vendre des chatons condamnés à mort à brève échéance. Donc, mes sources d’inspiration sont assez éclectiques.

Un dernier mot pour les lecteurs ?
Mon souhait est d’abord de les distraire, de les ramener au plaisir enfantin de la découverte. Titiller leur curiosité en somme. Peut-être trouveront-ils l’identité de l’assassin avant le commissaire ? C’est toujours l’enjeu d’un polar.