Interview écrite

14 décembre 2012
Posté par
Flora

Rencontre avec Iyolo Lobondola, auteur de « Divergence en Francophonie entre la Déclaration de Bamako du 3 novembre 2000 et la culture démocratique africaine »

Iyolo Lobondola, présentez-nous votre ouvrage ?
Mon ouvrage est intitulé Divergence en Francophonie entre la Déclaration de Bamako du 3 novembre 2000 et la culture démocratique africaine. Il porte sur les désaccords qui compromettent les relations entre les Etats francophones. Ces désaccords ne figurent pas dans la Déclaration de Bamako, mais dans l’esprit des personnes qui animent la Francophonie, et qui partagent la même culture francophone. Les insuffisances et les échecs dans le processus de démocratisation en Afrique ont leurs causes dans l’inadéquation entre les grands systèmes juridiques et la culture démocratique africaine au sens anthropologique et sociologique. Mon ouvrage défend le droit à l’autodétermination, et veut que les informations à fournir au Secrétaire Général de la Francophonie ne se fondent pas sur une science tronquée, susceptible de provocation des violences et des guerres par les intellectuels.

Y-a-t-il un événement particulier qui vous a donné l’envie d’écrire ?
Certainement. Le fait marquant qui m’a donné l’envie d’écrire est celui d’avoir vécu, à Kinshasa, le 17 mai 1997, comment les rebelles ‘’nettoyaient’’ la ville en vue d’apprendre aux congolais la bonne démocratie. Après la mort du Président Laurent Désiré Kabila, le processus de démocratisation avait particulièrement comme objectif l’installation du Parlement, pour le développement du pays, grâce au contrôle du Gouvernement par le Parlement. La Constitution, promulguée le 18 février 2006, est francophone, inspirée de celle du 14 octobre 1958 de la France. Elle prévoit le régime semi-présidentiel comme en France. Mais, depuis le 17 mai 1997, la République Démocratique du Congo n’est plus en paix. On y constate le chômage accru, la baisse du taux de la valeur ajoutée manufacturière par habitant, l’indifférence, les contestations, le manque de spontanéité, d’engouement et d’assentiment général, national, homogène à  la mobilisation et à la participation de la population dans les affaires publiques. Il faut que les congolais s’y impliquent, prennent leur responsabilité et s’ouvrent à l’avenir.

Pourquoi avoir choisi l’écriture comme moyen d’expression.
La réflexion sur le déroulement de l’histoire de la République Démocratique du Congo, sa situation actuelle et son avenir, est complexe, et donc, est mieux transmise aux autres personnes par l’écriture. Dans un livre, si petit soit-il, on communique beaucoup de choses à plusieurs personnes, avec un bon agencement d’idées, et les écrits dans un livre ne se volatilisent pas. Il y a lieu de reconnaître l’importance d’une maison d’éditions, notamment Edilivre, pour le travail considérable qu’elle fournit au monde francophone.

Souhaitez-vous faire passer un message à travers vos écrits ?
On écrit un livre pour faire passer un message. Voici le message de mon livre : Le monde francophone est noyé dans les désaccords intempestifs du fait de manque de lucidité dans les analyses qu’effectuent les intellectuels, et se plonge de façon infernale dans les guerres et les tueries qui provoquent, maintiennent ou aggravent inutilement la misère des populations des Etats francophones. En voici une illustration : La francophonie prône la diversité culturelle, précisément dans la Déclaration de Bamako du 3 novembre 2000, qui proclame que  » pour la Francophonie, il n’y a pas un mode d’organisation unique de la démocratie et que, dans le respect des principes universels, les formes d’expression de la démocratie doivent s’inscrire dans les réalités et spécificités historiques, culturelles et sociales de chaque peuple « . C’est-à-dire, l’organisation du pouvoir politique conformément au principe de la séparation des pouvoirs, et le fonctionnement du pouvoir politique en termes de régimes politiques, doivent être diversifiés en Francophonie.

Par contre, en République Démocratique du Congo par exemple, au lieu de s’inspirer de la culture démocratique dont les souches sont africaines, en référence à la Palabre africaine, sa constitution du 18 février 2006, à l’article 207, tout en reconnaissant l’autorité coutumière, refuse que cette dernière soit contraire à cette Constitution, c’est-à-dire, l’autorité coutumière congolaise est tenue de ne reconnaître que le mode d’organisation unique de la démocratie de la France, et n’appliquer que le régime semi-présidentiel comme en France. Pour se justifier, les intellectuels qui défendent ce désaccord avancent les arguments tels qu’une Déclaration universelle n’a pas de caractère contraignant, une démocratie sans parti politique ni parlement n’en est pas une. Ce qui est faux parce que, d’une part, la démocratie est plus vaste que le parlement et les partis politiques qui y participent, et le pluralisme est plus vaste que le multipartisme. D’autre part, une démocratie sans parlement ni parti politique est démocratie. Cas de celle de la Palabre africaine. Elle n’est pas une bêtise, mais plutôt une démocratie juste, en application du principe de la séparation des pouvoirs dans un régime arbitral.

A quel type de lecteur s’adresse votre ouvrage ?
Il s’agit de la culture démocratique. Ce qui est relatif à la démocratie concerne toute la population. Mais, cet ouvrage s’adresse beaucoup plus aux intellectuels qui combinent les désaccords au sein de la Francophonie.

Quels sont vos auteurs de référence ?
Il y a lieu de citer Maurice Duverger, Marcel Prélot, Gérard Cornu, Miche Topper, Georges Burdeau, Jean Paul Jacquet, et tous ceux qui travaillent avec eux. En Afrique, je me réfère particulièrement à tous les auteurs qui défendent la culture démocratique dont les souches sont africaines.

Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Je compte figurer parmi ceux qui militent pour l’élaboration des constitutions d’origine africaine. Mes conseils à caractère juridique sur cette élaboration constituent l’objet de mes projets.

Un mot pour les lecteurs ?
Je leurs dis que les désaccords en Francophonie doivent être soumis aux analyses lucides, sans violences, guerres ni tueries. Le développement est un long chemin de prise de conscience. Les intellectuels qui s’affolent dans l’amalgame doivent être ramenés à la persuasion sur ce qui est juste et scientifiquement inattaquable. Ils ne provoqueront plus les guerres entre les Etats francophones, et leurs fautes ne seront plus imputées à la France. Qu’ils sachent que la souveraineté politique d’un Etat est absolue.