Interview écrite

29 juin 2012
Posté par
Marie

Rencontre avec… Xavier Le Jeune

Xavier Le Jeune, Lily est votre second ouvrage édité chez Edilivre. De quoi parle-t-il ? S’il s’agit avant tout d’une fiction contant le lien hors du commun se nouant entre les deux principaux personnages, Lily et Sydnet, j’ai en outre souhaité planter le décor en Californie entre 1960 et 1975 pour mieux puiser dans les événements majeurs s’étant déroulés aux Etats-Unis durant cette période. Je pense notamment aux assassinats des frères Kennedy et de Martin Luther King, aux premiers pas sur la Lune, à la guerre du Vietnam, au Watergate, à l’émergence du mouvement hippie et de la contre-culture, aux inégalités sociales ou encore à quelques chefs-d’œuvre  cinématographiques (Le Lauréat, Macadam Cowboy, les Misfits…)… Sans oublier l’incroyable émergence d’artistes contestataires comme Bob Dylan ainsi que l’arrivée en 1964 de la british invasion pilotée par les Beatles aussitôt suivis des Rolling Stones, Who, Kinks et consorts. J’ai à ce point souhaité mélanger réalité et fiction qu’une surprise est réservée aux fans de Dylan (ainsi qu’aux autres, d’ailleurs !) quant à la façon dont celui-ci est évoqué au fil des pages. Un dernier mot concernant la fin de l’histoire : à n’en pas douter originale, soit elle déroutera le lecteur, soit elle le ravira. A moins qu’elle ne le déroute pour mieux le ravir…

Pouvez-vous nous parler plus en détails du personnage principal ?
Sydnet Filmont est un auteur de génie. Dommage collatéral du naufrage conjugal de ses parents, il puise dans cette froide réalité que la vie lui a réservée dès son plus jeune âge la force d’aller au bout de ses rêves grâce à l’incomparable talent de sa plume. Sydnet parvient là où il le désirait tant parce que c’est un rêveur. Un homme qui rêve ne gagne-t-il pas toujours, en fin de compte ? Il parvient également là où il le voulait à force de travail et de complicité avec son père Abraham, qu’il aime plus que tout et entend protéger de ses déboires conjugaux. Il y parvient enfin grâce l’incroyable lien sentimental l’unissant à Lily.

Y a-t-il un message particulier que vous souhaitez véhiculer à travers ce livre ? Peu importe d’où l’on vient, c’est là où l’on arrive qui importe. Sydnet et Lily en constituent la démonstration vivante, chacun à sa façon. Une autre idée forte de ce livre repose sur le fait que rien de grand ne peut s’envisager sans passion. Dylan, Kennedy, Sydnet, et même William Parker, autre personnage clé de l’histoire, en sont la preuve. Quant au pouvoir de l’argent, j’avoue l’avoir traité sans beaucoup de ménagement… Mais quel autre sort réserver à ce veau d’or ? Un dernier point : en contrepoint de l’époque trouble durant laquelle se déroule l‘histoire (guerre, assassinats, malversations, espionnite, menace atomique…), j’ai voulu insister sur le fait que l’imagination et la sensibilité d’artistes tels que Sydnet et Bob Dylan étaient essentielles afin de permettre au plus grand nombre de continuer à rêver. Sans ce baume apaisant que nous offre l’art, comment ferions-nous englués dans la réalité ici-bas ?

Si vous deviez définir votre style d’écriture, lequel serait-il ? Je l’espère elliptique, tendu, direct, dynamique, harmonieux, voire parfois insolent et, pourquoi pas aussi, humoristique. En certains passages, j’ai rêvé de parvenir à coucher sur le papier ce que je qualifierais de « prose poétique », quoique dubitatif quant au fait d’y être parvenu. Ce style vise quoi qu’il en soit à tout mettre en œuvre afin ne jamais perdre le lecteur en cours de route, mais plutôt lui tendre la main en vue de l’inviter à me suivre dans mon univers imaginaire. Ne s’agit-il pas du meilleur moyen de dialoguer avec lui par roman interposé ?

En tant que lecteur, quel est le livre qui vous a le plus bouleversé ?
Si un tel choix me semblerait envisageable dans le domaine musical ou cinématographique, impossible en revanche de faire ressortir un livre en particulier… Quelle qu’en soit la qualité littéraire, je suis incapable de me focaliser à ce point sur un extrait de l’œuvre d’un auteur. Ce serait un peu comme évoquer l’expression particulière la plus appréciée chez quelqu’un au milieu d’un tas d’autres expressions. Je préfère considérer l’œuvre d’un écrivain dans sa globalité. A ce titre, ce sont des auteurs comme Paul Auster et Wallace Stegner qui me viennent immédiatement à l’esprit. Le premier en raison de la qualité de sa prose qui ne cesse de m’émerveiller livre après livre. Quand bien même il peut arriver à certaines de ses histoires de flancher (cf. Tombouctou), cette prose reste égale à elle-même, faisant de cet auteur l’un de mes Maîtres littéraires. S’agissant de Wallace Stegner, c’est différent. J’aime cette façon qu’il a de décrire par les mots les joies et préoccupations d’un troisième âge pas toujours bucolique. Idem pour Philip Roth, dont la puissance évocatrice ne me laisse jamais indifférent. Côté européen, je citerai sans hésiter Stefan Zweig et Guy de Maupassant. Si les registres sont différents, l’émerveillement du lecteur que je suis est le même.

Travaillez-vous en ce moment sur un nouveau livre ? Non. L’énergie consacrée à l’écriture puis les multiples relectures consécutives au point final me laissent toujours sans plus de forces. Interrogatif, même, quant à la possibilité de replonger dans la fébrilité passionnelle indispensable à l’écriture d’un livre. En revanche, je songe à publier d’ici un an ou deux un recueil de trois nouvelles écrites il y a quelques années. Pourquoi pas chez Edilivre, d’ailleurs ?

Un dernier mot pour vos lecteurs ? Je n’en ai pas fini avec Lily puisque je viens de composer trois chansons constitutives de la BOL (bande originale du livre). Si je précise qu’elles s’intitulent Lily, Johnstown et La ballade de Sydnet, les personnes ayant lu le roman feront aussitôt le lien… J’envisage d’aller les enregistrer prochainement en studio et de les sortir en 45 tours vinyle (nostalgie des sixties oblige…) en reprenant la même illustration que celle utilisée pour le roman. A ce propos, je tiens à remercier Gilles du Couëdic, auteur de la très belle peinture illustrant la couverture. C’est d’ailleurs lui qui avait peint celle de mon précédent roman Un secret. S’il existait un prix littéraire récompensant la plus belle couverture de livre, qui sait si, grâce à lui, Lily ne figurerait pas en très bonne place ?